MURIELLE BONIN : ACQUITTEMENT ET PRÉJUDICE

Jugée pour complicité dans  l’assassinat de la coiffeuse de Saint Martin d’Ablois, Murielle Bonin a été acquittée y a 10 mois. La Commission de Réparation des Détentions pourrait lui consentir bien au delà de 100 000  euros  pour le préjudice moral et matériel  qu’elle a subi au long des 7 années d’une procédure éprouvante. Un arrêt de la Cour d’Appel de Reims fixant le montant du préjudice était attendu cette semaine mais la décision a été reportée, peut être en raison de la complexité de ce dossier par ailleurs très sensible.

 

L’agression  barbare de Florence Dromard, le 15 Juillet 2010 à Saint Martin d’Ablois, a d’abord été attribuée à un rôdeur. Son mari Sylvain Dromard, finalement condamné à 30 ans de réclusion*pour cet assassinat,  avait tout mis en oeuvre pour qu’il en soit ainsi. Mais  quelques mois plus tard  les soupçons se sont portés sur lui,  et sur sa maîtresse Murielle Bonin. Mise en examen pour non dénonciation de crime, elle sera finalement renvoyée devant les Assises de la Marne pour complicité, sur un appel du Parquet de Reims. Condamnée à 18 ans de réclusion criminelle en première instance à Reims, elle est acquittée en appel à Troyes en Septembre 2017. Pour Murielle Bonin, les 7 années qui se sont écoulées entre la mort de Florence Dromard et son acquittement ont été particiulièrement difficile. D’abord parce qu’elle a su que son amant était l’auteur  de cet assassinat dès les premières heures qui l’ont suivi. Il ne lui a rien laissé ignorer de la sauvagerie de ce crime. Elle a pourtant gardé ce terrible secret pendant 4 mois, en restant clandestinement sa maîtresse, jusqu’à leur arrestation en Novembre 2010. Cette proximité passionnelle avec l’assassin a beaucoup contribué à en faire une complice idéale, quand la presse faisait ses gros titre sur « Les amants diaboliques ». Rongée par son silence coupable, elle a été capable de se taire  par fidélité à celui qu’elle aimait, jusqu’aux dernières heures de sa garde à vue. Mais ce sont bien ses révélations  qui ont dénoué  une enquête qui s’enlisait. Beaucoup de ceux qui l’ont approchée ensuite, de l’expert psychiatre à l’aumônière de la prison, ont témoigné de la délivrance qu’ont été ces aveux pour elle.

UN CHEMIN DOULOUREUX

C’était en réalité le début d’une autre souffrance : Murielle Bonin a vécu une année de détention préventive, suivie de 18 mois de surveillance électronique, puis la prison de nouveau pendant 14 mois entre son premier procès d’assises et son acquittement. Son avocat, Simon Miravete, l’a fait valoir en plaidant il y a quelques semaines devant le Premier Président de la Cour d’Appel de Reims pour obtenir réparation de son préjudice : « Il ne s’agit pas seulement d’argent. Au quotidien Murielle Bonin doit encore subir le regard lourd de ceux qui la considèrent coupable d’avoir fréquenté Sylvain Dromard. Elle vit avec la boule au ventre, elle a l’impression d’être reconnue où qu’elle se trouve. Sans le soutien de son compagnon et de l’aumônière qui est devenue son amie en prison, Murielle Bonin se serait suicidée. Sa détention a par ailleurs été inutilement prolongée parce que Sylvain Dromard a souhaité qu’Eric Dupont Moretti assure sa défense en appel, mais il n’était pas disponible à la date initialement prévue pour l’audience. Il a fallu reporter de plusieurs semaines, même si sa participation ne s’est finalement pas confirmée. »

LA SOUFFRANCE MORALE NE SE CHIFFRE PAS

Murielle Bonin a eu  l’obligation de s’éloigner aprés sa libération conditionnelle. Elle est allée vivre chez sa sœur prés de Besançon ou elle a rapidement trouvé un travail,  jusqu’à son premier procés, mais dans des conditions beaucoup moins avantageuses que ce qu’elle avait connu à Reims. Tous les manques à gagner seront donc pris en compte, comme le préjudice moral  qui s’évalue trés difficilement : Murielle Bonin  aurait par exemple voulu assister aux obsèques d’un  frère décédé pendant sa détention, sans être encadrée par deux gardiens, mais on lui a refusé cette faveur et elle u a renoncé,pour ménager ses parents. Elle n’a pas pu rendre visite à son père trés malade et elle est  toujours traitée aujourd’hui  pour une dépression… Au cours d’une  récente audience contradictoire à la Cour d’Appel de Reims, son avocat a  évalué le préjudice  global à 300 000 euros tandis que le Procureur Général Jean François Bohnert préconisait 117 000 euros. L’arrêt qui fixera le montant du préjudice devait tomber cette semaine. La décision a finalement été reportée à la semaine prochaine, ou au mois de septembre.

*Aprés le rejet de son pourvoi en cassation, Sylvain Dromard devait se donner la mort en mars dernier dans sa cellule de Châlons-en-Champagne en absorbant une quantité massive de tranquillisants

Monique Derrien

Reporter puis grand reporter à Radio France de 1987 à 2016. Prix du Grand Reportage de Radio France. Chronique judiciaire régulière et assidue des petits et grands procés : Chanal, Heaulme, Fourniret. Attention soutenue sur les audiences et faits de société et sur la politique, un peu. Parce qu'ils disent presque tout du monde qui nous entoure. Intérêt marqué pour la culture, la gastronomie et le champagne. Celui qui se boit et celui qui a su si bien se vendre jusqu'ici.

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