21. CÉLINE SAISON

Un mois après l’ouverture du procès des Fourniret, le chapiteau qui a été installé contre le Palais de Justice de Charleville est encore plus bondé qu’au premier jour. Comme ils l’avaient fait au moment de la disparition de Céline Saison, les ardennais ont voulu entourer ses parents. Ils n’ont  plus revu leur fille  depuis le 16 Mai 2000,  la date de son épreuve du bac blanc de philosophie au Lycée Chanzy de Charleville Mézières. Ils devront attendre les aveux de Monique Olivier, 4 ans plus tard, pour que son meurtrier soit identifié.

Jean Pierre Saison avait laissé la clé sous le paillasson, même si l’hypothèse d’une fugue de Céline, évoquée par les policiers, lui paraissait totalement improbable. Les restes du corps de sa fille ont été retrouvés deux mois plus tard à Sugny en Belgique dans un bois tout proche de la frontière, à peine enterrés sous les sapins. Les parents de Céline se préparent depuis deux ans à ce procès, comme une épreuve incontournable. Ils y ont entendu ce qu’ils savaient déjà, l’enlèvement de la lycéenne, la menace de l’aveugler à l’acide si elle résistait, et surtout les humiliations qui lui ont été infligées par Michel Fourniret. Elle a dû le supplier d’accepter une fellation, de bien vouloir lui laisser faire l’amour avec lui. Ce qui, dans sa logique perverse, lui permet de commencer par nier le viol de la jeune fille avant de le reconnaître un peu plus tard. Les projections de vidéos de ses auditions par la police belge ne lui laissent guère le choix. Il y raconte comment il prétend obtenir l’acceptation de sa victime par la persuasion. Sans son assentiment il n’aurait pas pu la déflorer. “Si elle se débat dit-il, le processus est enrayé.” Et quand on le met en face de ses mensonges successifs, il se tait, en se curant parfois les ongles, il élude. “J’invite la Cour à considérer que je mens systématiquement.”
Ce soir là, il est rentré tard et fier de lui” a raconté Monique Olivier. Pour dans  la première fois elle ne l’a pas assisté mais il lui a ramené le sac de Céline. Ensemble ils ont regardé les photos qu’il contenait avant de tout brûler. « Comme un chien qui ramène un trophée à son maître, demande le Président ? »  Et pour la première fois en un mois de procès, cette évocation la fait fondre en larmes. Pleure-t-elle sur ce qu’elle a déjà dit ? Sur ce qu’elle n’a pas encore avoué, à propos de Céline, ou d’autres victimes qui ne figurent pas encore sur la liste noire officielle de son mari ?
Pour Jean-Pierre Saison, cette audience est surtout l’occasion d’un face à face parfaitement maîtrisé avec l’accusé. “Je vais vous regarder quelques secondes sans vous parler. A travers mon regard vous allez peut-être voir celui de Céline. Ne fermez pas les yeux. Vous n’avez pas fermé les yeux quand vous l’avez étranglée par derrière avec une corde. J’ai tellement de haine que si la vie me le permets, j’irai cracher sur votre tombe.” La salle applaudit.

Monique Derrien

Reporter puis grand reporter à Radio France de 1987 à 2016. Prix du Grand Reportage de Radio France. Chronique judiciaire régulière et assidue des petits et grands procés : Chanal, Heaulme, Fourniret. Attention soutenue sur les audiences et faits de société et sur la politique, un peu. Parce qu'ils disent presque tout du monde qui nous entoure. Intérêt marqué pour la culture, la gastronomie et le champagne. Celui qui se boit et celui qui a su si bien se vendre jusqu'ici.

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