NOIR DESTIN

Les deux meurtriers de Cyril Holowka ont été condamnés à 20 ans de réclusion criminelle après quatre jours d’une audience particulièrement pesante. Parce que rien, à part la dérive des accusés et de ceux qui les entouraient  n’a pu expliquer pourquoi il avait fallu que cet homme de 44 ans connaisse une mort sordide et inutile le soir du 7 Juillet 2016 à Reims.

Cyril Holowka a été jeté dans le canal comme un sac après avoir été  sauvagement tabassé sans véritable raison par deux marginaux et dans l’indifférence coupable de ceux qui ont assisté à cette mise à mort gratuite. Il était ivre parce que l’alcool était son refuge et bourré d’antalgiques et d’antidépresseurs dont il ne savait pas se passer depuis qu’une  terrible blessure à  la jambe avait fait basculer sa vie 20 ans plus tôt. Il était sans défense. On s’en est pris à lui  comme le loup de Lafontaine s’en prend à l’agneau dans la fable, parce qu’il avait forcément quelque chose à se reprocher. Il a eu le tort de se trouver ce soir là près  d’un campement de SDF, sur les bords  du canal, pas loin de chez  lui, là  où il aimait à se réfugier pour y trouver l’apaisement. C’est une promenade qu’il faisait souvent avec sa mère. « On lisait, assis dans l’herbe, dit Viviane Holowka. Il adorait lire. Avant de mourir il lisait la vie de Victor Hugo. Il avait tout lu, le Coran, la Bible , il ne supportait pas le racisme. Il voulait faire don de ses organes après sa mort. C’était une belle personne. » Elle suit le procès  avec l’énorme culpabilité de ne pas avoir pu l’aider. Il vivait seul d’une allocation d’adulte handicapé et il était sous curatelle, en raison de cet alcoolisme qui l’empêchait de s’assumer. Il a connu sa première compagne en rentrant de Guyane où il a suivi un entraînement commando pendant 2 ans.  Ils étaient très sportifs tous les deux, ils couraient ensemble. Jusqu’à ce terrible accident quand il a voulu faire des élongations contre un mur qui a cédé. Une plaque de béton lui a broyé la jambe. Un an d’hôpital, 23 Interventions, des souffrances terribles, il se bourrait d’antalgiques, sa compagne l’a quitté, sa vie a basculé, sa deuxième liaison  a été un échec, il s’est mis à boire. Le couple s’est séparé peu après la naissance d’un garçon aujourd’hui âgé de 22 ans. Son emploi de conducteur de bus,facilement décroché sur concours, est devenu incompatible avec son alcoolisme, il n’a pas pu le garder.

« Je le voyais sombrer. J’ai toujours senti qu’il lui arriverait quelque chose. Ils ont tué mon fils, mais  pourquoi ? Ils ne savent même pas le dire. » Cyril Holowak était un homme solitaire qui n’a pas assumé son rôle de père. L’enfant à « mal tourné », jusqu’à faire de la prison. Il en voulait à son père pour son alcoolisme,  le père lui en voulait pour sa délinquance. Impossible bonheur, gâchis, incompréhension…Il n’en avait pas moins contracté une assurance pour son fils. « Il était gentil. De là haut, dit sa mère, je suis sûre qu’il pardonne à ses meurtriers, mais moi non. Ils ont détruit notre vie. » Le destin de Cyril Holowka a été frappé par le malheur, la violence gratuite qui a causé sa mort  n’en est que plus insupportable pour sa mère. « Je passe mes nuits à regarder les étoiles, je me dis qu’il va me faire un signe. Cyril voulait être incinéré, il m’en avait parlé 4 jours plus tôt. Mais quand il y a un crime, on n’a pas le droit de le faire tout de suite. Je le ferai dès que le juge m’en donnera l’autorisation. On est maudit. »

 

Monique Derrien

Reporter puis grand reporter à Radio France de 1987 à 2016. Prix du Grand Reportage de Radio France. Chronique judiciaire régulière et assidue des petits et grands procés : Chanal, Heaulme, Fourniret. Attention soutenue sur les audiences et faits de société et sur la politique, un peu. Parce qu'ils disent presque tout du monde qui nous entoure. Intérêt marqué pour la culture, la gastronomie et le champagne. Celui qui se boit et celui qui a su si bien se vendre jusqu'ici.

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