Une éducatrice mise à pied pour avoir critiqué les conditions d’accueil des réfugiés mineurs

Situation tendue  entre une éducatrice de la Sauvegarde de la Marne et sa direction. Cette association humanitaire  et de protection de la jeunesse  s’est vu confier la lourde mission d’encadrer les réfugiés mineurs par le Conseil Départemental. Ils sont hébergés, en attendant le traitement administratif de leurs dossiers au Foyer Bellevue de Châlons en Champagne. L’immeuble à été le lieu d’un drame  le 6 Janvier dernier :  la mort d’un jeune  malien  qui s’est jeté du 8ème étage.
Denko Sissoko se disait mineur isolé, espérant ainsi obtenir un titre de séjour. Il avait appris 15 jours plus tôt que les  vérifications administratives en cours  n’allaient pas dans le sens d’une reconnaissance de sa minorité. Sa défenestration a boulversé tous ceux qui  tentent d’accompagner les parcours  de ces jeunes étrangers. Aprés son décés, une marche blanche a mobilisé plus de 200 personnes, dont Ibitssam Bouchaara, éducatrice à la Sauvegarde depuis 16 ans et déléguée du personnel. Elle vient d’être mise à pied pour avoir  vigoureusement dénoncé les carences de son employeur dans l’accueil des jeunes migrants. Paroxysme d’un bras de fer sans fin entre humanitaire et finances.

INDIGNATION OU DIFFAMATION

A l’issue de l’entretien qu’elle venait d’avoir avec sa direction , Ibitssam Bouchaara n’a rien renié de ses accusations devant les micros et les caméras. La cinquantaine d’éducateurs et sympathisants qui l’attendaient  devant le siège de la Sauvegarde l’ont applaudie. Quelques jours plus tôt et au mépris de son devoir de réserve, la jeune femme avait  fustigé l’insuffisance des moyens alloués par l’Aide Sociale à l’Enfance. Elle recense 4 éducateurs pour les 73 migrants mineurs ou jeunes majeurs hébergés au Foyer Bellevue, sans veilleurs de nuit, sans psychologue. Pour Jean Claude Aubert, le Président de la Sauvegarde,  la libereté de parole de l’éducatrice constitue une faute grave. Il conteste ses accusations publiques, dans la forme comme dans le fond. Il avance 5 éducateurs et un chef de service plus une sercétaire  au Service d’Accueil des Mineurs Isolés (SAMIE)  sans parler de la prise en charge des jeunes par d’autres établissements ou services dans la journée.

Soutien à Ibitssam Bouchaara

LA LOURDE CHARGE DES MIGRANTS

Tous les départements n’ont pas la même politique d’accueil s’agissant des mineurs isolés. Celle de la Marne est parfois pointée du doigt par les bénévoles qui les entourent. Car le récit de leur jeunes vies est généralement insoutenable, jalonné de deuils, de maltraitances et d’arnaques. Mais l’émotion ne fait pas le poids face à la logique comptable. Le Marne a accueilli 405 jeunes  l’an passé contre 240 l’année précédente et cet afflux n’est pas lié à l’évacuation de la jungle de Calais. Et l’administration met  tout en œuvre pour ne pas reconnaître une minorité synonyme de prise en charge. Seulement 20% des jeunes reçus l’an passé dans la Marne ont été reconnus mineurs. Initialement prévu pour 40 jeunes, le Foyer Bellevue en accueille désormais 73 et le budget annuel dédié aux mineurs isolés est  en constante augmentation : 3 millions en 2016, en progression de 20% sur l’année précédente. Faut il faire plus ? C’est ce que revendique publiquement Ibitssam Bouchaara. Faut-il la licencier pour autant ? C’est le souhait de son employeur qui dénonce une faute grave, la mise à pied  étant un moyen d’accélérer la procédure. Mais s’agissant d’une élue du personnel, donc salarliée protégée, la décision est soumise à l’approbation de l’Inspection du Travail.

 

 

 

Monique Derrien

Reporter puis grand reporter à Radio France de 1987 à 2016. Prix du Grand Reportage de Radio France. Chronique judiciaire régulière et assidue des petits et grands procés : Chanal, Heaulme, Fourniret. Attention soutenue sur les audiences et faits de société et sur la politique, un peu. Parce qu'ils disent presque tout du monde qui nous entoure. Intérêt marqué pour la culture, la gastronomie et le champagne. Celui qui se boit et celui qui a su si bien se vendre jusqu'ici.

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