YANNICK ALLENO, LES BULLES ET LES ÉTOILES

Le chef Yannick Alleno est désigné Champenois de l’Année par le magazine Bulles et Millésimes. Le choix s’imposait presque puisque 2018 a vu naître à Paris le  premier salon des Champagnes et des Pâtisseries fines sur les Champs Elysées en juillet dernier, et plus précisemment au Pavillon Ledoyen dont Yannick Alleno est le chef oh combien étoilé : trois macarons ici, trois autres à Courchevel,  et un septième depuis quelques jours à Seoul. Ce parcours fulgurant, à tout juste cinquante ans, pourrait se résumer en deux mots : la passion et le travail.

Yannick Alleno est le chef des accords inédits et des paris un peu fous. Il l’a montré une fois encore en osant sublimer le mariage du dessert et du champagne, une alliance volontiers reléguée au rang des ringuardises par ceux qui prétendent s’y connaître. Mais c’est mal connaître, en réalité,  l’audace et l’inventivité des chefs pâtissiers, il y en avait une douzaine, et des chefs de  cave et vignerons, ils étaient 35, qui ne se lassent pas de chercher pour nous surprendre et nous séduire. Le salon a connu un succès inespéré, entre 800 et 1000 visiteurs chaque jour, et l’édition 2019 a été programmée dans la foulée. Yannick Alleno est donc un homme trés occupé, mais jamais débordé. On le devine à l’entendre partager tranquillement ses passions malgré le timing trés serré de cette soirée. Dans les salons de la Mairie d’Epernay il va recevoir son prix des mains  de Jean-Baptiste Duteurtre, le rédacteur en chef de Bulles et Millésimes, avant un dîner d’exception entre VIP.

Parce que son exercice de cuisinier est indissociable des métiers du vin, Yannick Alleno porte donc une attention toute particulière aux grands  vins et en particulier aux grands champagnes qui l’ont surpris par leur diversité. Souvenir ému, au passage, d’un magnum de Krug 1973 qui lui a fait aimer les champagnes vineux, peut-être plus encore que les autres. Il a beaucoup appris des  assemblages champenois dans la recherche qu’il conduit autour de ses « sauces modernes » conçues comme un assemblage d’extraits de saveurs, il faudrait dire d’essences tant elles sont concentrées par le froid autant que par la chaleur. Mais il est curieux de tous les vins. Il partage avec le vigneron la crainte permanente de décevoir, il se dit  en recherche perpétuelle par peur de mécontenter ses convives. Son rêve serait de dégorger le champagne à table pour qu’il soit apprécié avant tout ajout de liqueur d’expédition. « Les gens qui s’arrêtent chez nous sur les Champs Elysées partent ensuite vers la Champagne. Le « moment champagne », la  mise en valeurs des crus qu’on leur fait découvrir sont importants.  Au sein de la maison France, le vin et la gastronomie ont tout intérêt à partir ensemble à la conquête des marchés internationaux. » Yannick Alleno déplore que les écoles hôtelières, bridées par la loi Evin, ne puissent pas travailler davantage sur le vin, les températures, faire des recherches sur le mariage des goûts.

Le chef aux sept étoiles  a quant à lui atteint les sommets de l’art culinaire…en partant d’un BEP de cuisinier. C’est  Frank Leroy, le Maire d’Epernay,  qui le lui rappelle non sans admiration :  » Est-ce que ce serait encore jouable aujourd’hui ? » « Complètement et plus que jamais. Les jeunes  sont plus affutés, plus mûrs que nous ne l’étions. Ils en savent beaucoup plus. Les restaurateurs sont toujours plus jeunes. La demande internationale de grands cuisiniers ne cesse de progresser. Un projet hôtelier ne tient pas aujourd’hui sans un bon chef en cuisine. Du croissant du matin, en passant par le club sandwich jusqu’au dîner du soir, tout doit être parfait. L’avenir de la profession est incroyable. Il faut pousser les jeunes dans cette voie qui offre effectivement 500 000 emplois aujourd’hui. Il n’y a pas de chômage, que des chômeurs. Macron l’a mal dit, mais il a dit vrai. Évidemment c’est dur. Moi, j’ai forcément été marqué par ma mère qui faisait les plats du jour dans le café tabac qu’elle tenait avec mon père. On n’était  pas riche mais j’aimais ce métier, j’étais addict à la cuisine et j’ai tout fait pour y arriver. Et j’avais le goût du travail, c’est certain.« 

Monique Derrien

Reporter puis grand reporter à Radio France de 1987 à 2016. Prix du Grand Reportage de Radio France. Chronique judiciaire régulière et assidue des petits et grands procés : Chanal, Heaulme, Fourniret. Attention soutenue sur les audiences et faits de société et sur la politique, un peu. Parce qu'ils disent presque tout du monde qui nous entoure. Intérêt marqué pour la culture, la gastronomie et le champagne. Celui qui se boit et celui qui a su si bien se vendre jusqu'ici.

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