CORRUPTION DE MINEURES SUR INTERNET: 100 VICTIMES POUR UN SEUL HOMME

Les collégiennes son devenues des femmes mais elles restent accablées par la honte. Elles ont été manipulées, abusées par un homme assez habile pour les convaincre de se dénuder et de se caresser devant sa web cam. Au Tribunal Correctionnel de Reims cet homme de 29 ans ne nie pas les faits qui remontent à 2009. Il cultive un look d’intellectuel babacool derrière ses  lunettes cerclées. Les cheveux relevés en chignon font presque oublier sa tonsure. Le verbe est précis, dénué de toute émotivité . Il explique qu’il n’a plus rien  commis de semblable depuis, lui qui  rêve de trouver un poste au CNRS ou à L’INRA aprés expiration d’un CDD de technicien dans un laboratoire de Reims. Parce qu’il est passionné par la recherche. Malaise.

 

Ils se faisait passer pour un adolescent sous le pseudonyme de « Blog Vengeur ». La brigade des mineurs de Paris a dénombré 333 fichiers à ce nom, 333 vidéos pour 226 victimes. Il n’en prend qu’une centaine à son compte. Les adolescentes parfaitement reconnaissables se dénudent et se caressent devant la caméra sur son incitation pressante pendant qu’il se masturbe sans jamais apparaître à l’image. Elles sont filmées à leur insu, et pire encore, les images sont diffusées sur internet.

 

UN RÉCIT GLAÇANT

Devant ses juges, « Blog Vengeur » explique qu’il a commencé par curiosité sans avoir vraiment conscience qu’il était en infraction. « Au départ  je l’ai fait pour savoir si c’était possible et oui c’était possible et facile. Alors c’est devenu un défi malsain, un cercle vicieux. Ma garde à vue a été un électrochoc, je me suis rendu compte que j’avais fait de la merde. » Qu’elle est l’ado qui ne poste pas de message  pour se faire des amis ?  Il repérait ses proies sur le chat Sky Rock. Il  fallait au moins 4 conversations avant qu’elle n’acceptent de s’exhiber.Mais il savait être gentil, patient, convaincant…ou très ferme.  Allant jusqu’à les  menacer de pirater leur compte quand elles refusaient, en insistant pour que leur visage apparaissent. « Elle était sous emprise  dit l’avocate d’une des jeunes filles, déshumanisée par ce jeu pervers. Elle avait 12 ans quand elle est tombée dans ce piège. Elle a réalisé la gravité des faits quand les gendarmes sont venus chez elle. C’est là qu’elle à appris que les images circulaient  encore sous son nom des années après. Un employeur qui fait de recherches sur internet  pour mieux la connaître peut encore tomber dessus aujourd’hui. Elle est accablée par la honte. »

 

UNE RELATION ASSYMETRIQUE

Les enquêteurs ont rencontré neuf victimes. Deux d’entres elles ont  choisi de se porter partie civile. Les autres  ont préféré se taire pour tenter d’oublier. Une seule de ces jeunes femmes  assiste à l’audience. Elle tremble de tout son corps et quand la présidente lui propose de venir s’exprimer à la barre elle n’en a pas la force. Mais dans la salle des pas perdu elle parle volontiers quand on l’interroge, comme pour se libérer. Elle a fait le déplacement depuis l’Alsace avec son père parce qu’elle avait absolument besoin de le voir enfin en chair et en os. Elle se dit marquée à vie par le rapport de soumission qu’elle a vécu. Elle a dû quitter son petit ami et ne peut plus approcher aucun homme depuis, jusqu’à en devenir lesbienne. Elle panique dès qu’elle voit son petit frère devant un ordinateur. « C’est un dossier difficile, dira le procureur, parce qu’il renvoie aux aspects les plus troubles de la personnalité humaine. L’irrationalité des collégiennes est inexplicables, mas elles étaient confrontées à l’approche scientifique du prévenu. Livrées à la volonté d’un homme dans une relation asymétrique. Les experts n’ont pas repéré de traits pervers avérés mais on est en droit de se poser la question ». Les psychiatres ont préconisé une thérapie sur la longueur qui n’est toujours pas engagée, 9 ans après les faits. La défense insiste sur l’exemplarité du prévenu dans  sa vie professionnelle -il est passionné par son métier  de chercheur-et dans sa vie privée. Il vit en effet  depuis 5 ans avec la même femme, plus âgée que lui. Elle n’assiste pas à l’audience mais elle fait lire une lettre qui décrit les relations sans équivoque du prévenu , avec elle même et avec les deux enfants qu’elle a eu avant de le rencontrer. Les compagnes savent parfois se montrer optimistes. Le Tribunal prononce une peine de 2 ans de prison avec sursis et mise à l’épreuve assortie d’une inscription au ficher des délinquants sexuels.

 

 

 

 

Monique Derrien

Reporter puis grand reporter à Radio France de 1987 à 2016. Prix du Grand Reportage de Radio France. Chronique judiciaire régulière et assidue des petits et grands procés : Chanal, Heaulme, Fourniret. Attention soutenue sur les audiences et faits de société et sur la politique, un peu. Parce qu'ils disent presque tout du monde qui nous entoure. Intérêt marqué pour la culture, la gastronomie et le champagne. Celui qui se boit et celui qui a su si bien se vendre jusqu'ici.

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