DANS LES COURSIVES DE LA MAISON D’ARRÊT, LES PHOTOS REVISITÉES DU PATRIMOINE DE REIMS 

C’est presque un reportage, une évasion à coup sûr. A partir d’un travail de plusieurs semaines sur l’histoire et les images du patrimoine de Reims, un groupe de détenus expose ses œuvres saisissantes. Photographe professionnel, Guillaume Gellert a accompagné cette création, en révélateur de talent. L’exposition est présentée dans les locaux de SAFIR, la maison d’accueil pour les familles de détenus. Et juste en face, les détenus la découvrent dans les coursives de la prison.  

Les journées du patrimoine connaissent un engouement grandissant. A la maison d’arrêt de Reims, elles ont aussi permis la mise en lumière des créations très particulières d’un groupe de détenus. Le maire Arnaud Robinet a d’ailleurs tenu à venir les découvrir sur place. 

DES PHOTOS POUR S’ÉVADER

Cette reconnaissance est donc l’occasion de revenir sur la démarche inédite de cet atelier de photo,  entre les murs de la prison. Guillaume Gellert* travaille depuis 20 ans avec les détenus de Reims. “Les ministères de la culture et de la justice demandent tous les ans aux artistes d’imaginer des ateliers de créations dans les lieux de privation de liberté. Cette année j’ai proposé un travail autour du patrimoine de la ville. ”C’est ainsi que des spécialistes du patrimoine de la mairie sont venus sensibiliser la petite dizaine de détenus inscrits à cet atelier. Ils sont originaires de Reims pour la plupart. Les images de leurs quartiers, de leurs lieux de vie ont été la matière première de leur travail tout comme les photos d’archives. “Puisqu’ils ne peuvent pas sortir, ils ont  travaillé sur ces supports, sur ces documents devenus des objets d’arts plastique”, explique Guillaume Gellert. Yannis, 23 ans, s’est passionné pour ce projet. “Pendant deux ou trois heures, on n’est plus en prison.” Il est en liberté depuis deux jours après avoir exécuté une peine de 20 mois pour vol. 

Guillaume Gellert avec Yannis

L’ÉCOLE DE LA PATIENCE

Yannis a tenu à s’impliquer dans la promotion des œuvres de ceux qui sont encore derrière les barreaux . Dans les locaux de SAFIR où sont exposées une quarantaine de photos, il renseigne volontiers le visiteur. “Guillaume nous a demandé ce qu’on avait envie de voir dans la ville, et il a pris des photos.” Les détenus ont ainsi travaillé la superposition des images développées au sein de la prison, dans un véritable laboratoire. “Tout ça me permet de comprendre que la patience est la clé de tout. Au laboratoire, quand on a les négatifs, on est dans le noir avec une toute petite lumière rouge. Pour que ce soit acquis il faut le révélateur, pour que la photo reste là quand on allume la lumière. Maintenant ma vie c’est ça. Tu poses les choses, tu attends que ça apparaisse”. Il s’arrête sur la photo signée d’un détenu condamné à une longue peine. “Il y a des couleurs, elle donne la joie de vivre cette photo. C’est un soutien, ça permet de s’évader. Le fait de nous donner la parole à travers des images, c’est beau. Ca m’a fait du bien.”

*Guillaume Gellert, Lauréat 2023 du Prix Hugues Krafft



Monique Derrien

Reporter puis grand reporter à Radio France de 1987 à 2016. Prix du Grand Reportage de Radio France. Chronique judiciaire régulière et assidue des petits et grands procés : Chanal, Heaulme, Fourniret. Attention soutenue sur les audiences et faits de société et sur la politique, un peu. Parce qu'ils disent presque tout du monde qui nous entoure. Intérêt marqué pour la culture, la gastronomie et le champagne. Celui qui se boit et celui qui a su si bien se vendre jusqu'ici.

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