Vin d’Ardèche ou d’Espagne, liqueur, et gaz carbonique…Malgré cette imitation grossière, Didier Chopin a pu produire et commercialiser impunément son faux champagne pendant des mois. Ce vigneron de Champlat-et-Boujacourt vient d’être condamné à 18 mois de prison ferme. Mais il a fait appel. Il est donc libre. Sa principale collaboratrice avait été licenciée pour diffamation quand elle a dénoncé la fraude en Avril 2023. Ludivine Jeanmingin espère aujourd’hui que la culpabilité avérée de son employeur lui permettra d’obtenir l’annulation de ce licenciement abusif devant les prudhommes.
Ludivine Jeanmingin
« C’est une grande victoire pour moi et pour nous, avec mon mari et mes enfants. Ils ont très mal vécu cette histoire. Voir sa femme et sa maman pleurer, c’est dur. Je suis restée plusieurs mois sans sortir.» C’est ainsi que Ludivine Jeanmingin a commenté la condamnation de Didier Chopin.«Je suis contente, mais là, j’ai encore du mal à réaliser.»
LANCEUSE D’ALERTE, UNE MISSION À RISQUE
Ludivine Jeanmingin était la responsable du site de Billy-sur-Aisne près de Soissons. C’est là que Didier Chopin produisait des apéritifs, à partir de vins provenant de différents vignobles de l’Union Européenne. Son champagne, du vrai champagne, était élaboré à Champlain-et-Boujacourt, dans la Marne, à partir des 5,5 hectares de vignes qu’il avait pu acquérir au fil des années. À quelques kilomètres de là, Ludivine Jeanmingin se donnait sans compter dans la production et la promotion des apéritifs de Didier Chopin. « Cette entreprise, c’était mon bébé ». La reconnaissance de l’homme d’affaire n’était pas toujours à la hauteur de l’investissement sans limite de sa collaboratrice, mais son travail la passionnait … Jusqu’à ce que Didier Chopin se lance dans la production de faux champagne, à partir de vins espagnols ou ardéchois gazéifiés, et conditionné dans des bouteilles étiquetées et muselées comme du vrai champagne. Ludivine Jeanmangin alerte ses collègues et accuse son patron de contrefaçon. Ce qui lui vaut mise à l’écart et procédure disciplinaire.
UN NOUVEAU COMBAT
Ludivine Jeanmingin s’empresse alors de rassembler toutes les preuves de cette fabrication frauduleuse. La gendarmerie et les renseignements territoriaux ne la soutiennent pas vraiment quand elle tente d’alerter. Didier Chopin a beaucoup d’amis influents, son entreprise a pignon sur rue. C’est finalement une visite de au Comité Champagne qui déclenche l’intervention de la Répression des Fraudes. Aujourd’hui, Ludivine Jeanmingin a retrouvé du travail, après 18 mois et 270 CV. « Il disait que le faux champagne, s’il y en avait, c’était forcément moi. Les regards des gens étaient difficiles à supporter. J’ai mal accepté qu’on puisse me prendre pour un escroc. » Le statut de lanceuse d’alerte qu’elle espérait obtenir lui aurait permis de bénéficier des avantages d’un licenciement économique. En vain ! Mais la condamnation de Didier Chopin change la donne. L’avocat de son ancienne salariée annonce une nouvelle procédure devant l’instance prudhommale qui l’a déboutée. « Ce qui lui a été reproché n’a plus aucune valeur puisqu’elle a été licenciée au motif qu’elle avait diffamée son employeur en l’accusant de faire du faux champagne dit Emmanuel Ludot. »
UN HOMME RUINÉ
« Ce que Madame Jeanmingin a obtenu pour l‘instant c’est qu’il est ruiné dit son avocat. Les douanes vont le poursuivre en correctionnelle au mois de février. Des sommes faramineuses vont lui être réclamées au titre du faux champagne. Il n’a plus rien. » Didier Chopin est en effet un homme ruiné. Et c’est ce que plaidera son avocat en deuxième instance. L’homme d’affaires déchu est au RSA, il vit chez sa mère. « J’aurais pu avoir un aménagement de la peine, j’aurais pu obtenir un bracelet pour les 18 mois fermes dit Maître Fossier. Mais la prison ferme ne se justifie pas.» Il n’accepte pas ce jugement (4 ans d’emprisonnement dont deux ans et demi avec sursis). ll indique que la production de faux champagne a porté sur 600 0000 bouteilles pendant 8 mois. Devant le Tribunal Correctionnel en première instance, les adversaires de Didier Chopin ont avancés des chiffres bien plus élevés, mais impossibles à prouver. Francis Fossier en profite pour épingler la regrettable pratique champenoise des vins sur lattes. Celle qui permet à un producteur d’acheter du champagne ailleurs, des bouteilles stockées en cave « sur lattes », et d’y apposer sa propose étiquette pour les revendre. C’est ce qui aurait permis à Didier Chopin de «noyer le poisson ».
Comme du vrai champagne
UN ENGRENAGE
Il vendait légalement près d’un million de bouteilles alors que ses 5 hectares de vignes lui permettaient d’en produire 70 000. Et quand le prix des vins sur latte est passé de 8,5 euros 11,5 euros il ne pouvait plus les vendre à la SCAPEST, la centrale d’achat des Centres Leclerc. Didier Chopin s’est alors mis à produire du faux champagne sur les chaînes qui sortaient jusque-là des apéritifs, dans des poches ou des bouteilles blanches de 70 cl . «D’un seul coup sont arrivées bouteilles vertes de 75 cl, des bouchons et des muselets sur le site de Billy-sur-Aisne, dit encore l’avocat. Et tout le monde savait. Madame Grandmangin et son mari ont participé. Didier Chopin n’a pas fait ça tout seul. Ce n’est pas lui qui transportait, qui étiquetait, qui faisait les factures. A part son épouse, aucun des complices n’était là devant le tribunal.» Voilà pourquoi l’avocat annonce qu’il fait appel de tout : la prison ferme, les amendes, les dommages intérêts à la SCAPEST, ce qui représente plus de 3 millions. « Il est ruiné, il est à zéro, ses hectares de vignes, ses maison, son stock de champagne… tout va être vendu. Que voulez-vous de plus ? »