FOYER SAINT RÉMI : LES ENFANTS D’ABORD

Le Foyer Saint Rémi de Reims a vécu des mois particulièrement difficiles. Avec l’arrivée d’un nouveau président au Conseil d’Administration, puis d’un nouveau directeur en Juillet dernier, cette Maison d’Enfants à Caractère Social, régie sous un régime associatif,  émerge aujourd’hui de ce qui aurait pu être un naufrage. Chronique d’un redressement amorcé. 

Le Foyer Saint Rémi accueille 58 enfants de 6 à 18 ans, dont des fratries, ce qui est très rare. Ils sont  placés  sur décision de justice par le service départemental de l’ASE,  l’Aide Sociale à l’Enfance, parce qu’ils ne peuvent pas être maintenus dans leur famille. Le budget annuel de cette MECS s’élève à 3 millions d’euros. Le Conseil Général accompagne et soutient financièrement la structure malgré les difficultés qu’elle vient de traverser.  

LA CONFIANCE DÉÇUE   

Mais le passé récent et très tumultueux de cette institution rémoise laisse encore quelques traces. Les événement se cette «année noire » de 2023 viennent d’être décortiqués devant le Conseil des Prudhommes. Deux cadres du Foyer Saint Rémi ont en effet saisi cette instance pour harcèlement après leur licenciement. Benoît Machuel et Olivier Grasset auraient payé, malgré leurs bons et loyaux services, selon leur avocate Maître Moser Lebrun, le fait d’avoir tiré la sonnette d’alarme après l’embauche d’une nouvelle directrice dont ils craignaient l’incompétence. Notamment parce qu’elle aurait «caviardé» son CV. On parle ici de Nadège Herter, (LIRE ICI)  en qui le conseil d’administration mettait tous ses espoirs durant cet été 2023. C’était aussi faute d’avoir trouvé mieux pour reprendre la direction du foyer… et pour cause. François Leboeuf, l’actuel président  du conseil d’administration, insiste encore aujourd’hui sur « la difficulté de trouver  des cadres dans un secteur où les salaires ne sont pas élevés malgré une activité très exigeante. » 

DES PLAINTES À TIRS CROISÉS 

Cette directrice là n’a donc pas été à la hauteur de ces exigences, au point de mettre rapidement la structure en péril. Sa mise à pied date de Décembre 2023. Nadège Herter a été licenciée, elle aussi, pour fautes graves. Le Département qui a pointé « une perte de qualité dans la prise en charge des enfants » a pu déplorer que «l’organisation du foyer reposait sur une directrice concentrant sans subdélégation et relais l’ensemble des responsabilité éducatives et de gestion». Nadège Herter est ainsi visée par une plainte pour abus de confiance. Elle marche, en cela, sur les traces de Benoît Machuel. Car celui qui  tenait la caisse du foyer a été  poursuivi  bien avant la crise qui les a opposés, insiste l’avocate de la direction. « Elle n’était pas bonne, OK, mais quel était le préjudice pour Benoît Machuel ? » demande Vanessa Lehmann. La procédure de licenciement  du comptable était engagée depuis longtemps précise encore l’avocate. Mais elle a été retoquée  à plusieurs reprises par l’inspection du travail.  Parce que Benoît Machuel était un salarié protégé, mais aussi pour des vices de forme.Tant il est vrai qu’une association n’est pas toujours au fait des subtilités du droit du travail. Une précédente saisine des prud’hommes par deux salariées licenciées, cuisinière et éducatrice,  s’est d’ailleurs récemment soldée par la condamnation du Foyer.  

DEUX HOMMES HARCELÉS ?

Pour Benoît Machuel, la  répétition des procédures qui l’ont visé est  une des raisons qui aurait poussé le cadre a porter plainte contre sa direction pour harcèlement. Il n’empêche que l’enquête préliminaire qui le concerne pour abus de confiance vient d’être élargie à des détournements de fonds publics par le Parquet. C’est ce qu’on a appris à la faveur de  l’audience prud’homale du 5 Février dernier.

Olivier Grasset, quant à lui, est entré comme éducateur spécialisé à Saint Remi en 1995. En 2023 il a même été pressenti pour prendre le poste de directeur, mais il a finalement retiré sa candidature. Et peu après  l’arrivée de Nadège Herter, il a été licencié pour fautes graves : la direction lui reproche notamment d’avoir manipulé les équipes en sous main pour  faire systématiquement obstruction à la nouvelle directrice, en favorisant une ambiance délétère.  L’audit social diligenté en 2023 est d’ailleurs accablant pour l’ex éducateur. « Après 28 ans de bons et loyaux services, on vient lui dire qu’il est nul ! » s’indigne son avocate. Et elle réclame 193 000 euros d’indemnités et dommages intérêts divers. « Il  n’a pas accepté ce lien de subordination » objecte  Maitre Lehman, rappelant au passage que le  foyer, dont la situation financière est  particulièrement tendue, serait mis en péril par ce très gros chèque.  L’arbitrage du Conseil Prud’homal sera connu le 23 Avril prochain. 

VERS UNE DYNAMIQUE DE PROJET 

Et en attendant, le foyer essaie de s’en sortir. C’est bien l’unique objectif de François Le Bœuf. « Saint Rémi dévissait dans tous les domaines, éducatif, management, financier, pour des raisons que nous ne voulons pas dévoiler. Nous ne voulons pas remuer les choses et nous avançons ». Le Conseil d’Administration s’implique énormément, tout comme le nouveau directeur de la structure. L’activité s’exerce en transparence totale avec l’ASE, et les liens avec l’autorité de tutelle du département sont très étroits. Le président du CA se dit optimiste parce que les enfants ont été remis au cœur du dispositif. « Nous engageons des actions qui correspondent à leurs projets, en ouvrant le foyer à des activités extérieures. L’accompagnement des élèves de Sciences Po, un instant refroidis par nos difficultés, est reparti de plus belle.» Et surtout, la récente création d’un club de mécènes a été plus qu’encourageante. Elle a permis de collecter 100 000 euros, à quoi s’ajoute la même somme en promesse de dons. « On entre dans une dynamique de projet ». 

Monique Derrien

Reporter puis grand reporter à Radio France de 1987 à 2016. Prix du Grand Reportage de Radio France. Chronique judiciaire régulière et assidue des petits et grands procés : Chanal, Heaulme, Fourniret. Attention soutenue sur les audiences et faits de société et sur la politique, un peu. Parce qu'ils disent presque tout du monde qui nous entoure. Intérêt marqué pour la culture, la gastronomie et le champagne. Celui qui se boit et celui qui a su si bien se vendre jusqu'ici.

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