« RENDRE LA JUSTICE, C’EST EXERCER UNE PART DE DÉMOCRATIE »

« RENDRE LA JUSTICE » EST UN OUVRAGE OÙ LA PLUME EST DONNÉE À CEUX QUI JUGENT. DONT OMBELINE MAHUZIER, PROCUREURE DE LA RÉPUBLIQUE À CHALONS-EN-CHAMPAGNE

Le livre est la suite d’un documentaire du réalisateur Robert Salis. Il y fait un portrait de la justice telle qu’elle s’exerce au quotidien. L’ouvrage est publié aux éditions Calmann Lévy sous la direction du réalisateur. Il permet à une soixantaine de femmes et d’hommes, dont les plus grands noms de la magistrature, de prolonger cette démarche avec leurs mots. Voilà l’occasion de partager quelques unes des convictions d’Ombeline Mahuzier (photo), une femme de justice engagée.

Les contributeurs ont eu carte blanche. Robert Salis voulait, grâce à eux, révéler ce que sont vraiment les magistrats, porter un regard sur le corps de la magistrature. “Ce que j’ai écrit, dit Ombeline Mahuzier, c’est ma vision de la justice.”

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Pour la procureure de Châlons en Champagne, rendre la justice, c’est d’abord prendre la parole. La justice, autrement dit, est un monde bouillonnant, un lieu où on s’exprime, bien plus que cet univers froid que les gens s’imaginent, fait “de code, de pierre et de bancs”. Ce qui ne signifie pas que les magistrats sont là pour discourir, s’écouter parler et confisquer la parole des autres. Leur voix permet au contraire de rendre la parole à ceux qui en sont privés, aux victimes, aux témoins. Même, et surtout peut-être, aux accusés ou aux prévenus. Faut-il rappeler qu’ils s’expriment toujours en dernier ? Les magistrats doivent, écrit-elle, “s’effacer devant la parole des justiciables,  devant leur mots qu’il faut aller chercher, reformuler, faire résonner avec humilité.”

RENOUER LE LIEN SOCIAL

Le Tribunal ou la Cour seraient ainsi des lieux où le lien social doit se renouer quand il est rompu par l’injustice. Le ministère public vient dire le droit, on le sait, au nom de l’intérêt général, “face à des actes qui parfois dépassent, précisément, l’entendement. Rendre la justice, même dans les affaires les plus courantes, écrit Ombeline Mazurier, c’est toujours exercer une part de la démocratie.” Soulignant au passage ce paradoxe institutionnel : la justice est un pilier de l’Etat de droit mais elle doit pourtant rester à distance du pouvoir qui détient la violence légitime. Ceux qui l’exercent devront chercher “le point d’équilibre entre force et humanitée ”. Ombeline Mahuzier est aussi la présidente de l’Association des Femmes de Justice.

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La contribution de cette femme et magistrate à l’ouvrage récemment publié chez Calmann Lévy est évidemment l’occasion de dénoncer un autre paradoxe du corps judiciaire. Les femmes y sont très majoritaires, mais il est dirigé par des hommes.

Monique Derrien

Reporter puis grand reporter à Radio France de 1987 à 2016. Prix du Grand Reportage de Radio France. Chronique judiciaire régulière et assidue des petits et grands procés : Chanal, Heaulme, Fourniret. Attention soutenue sur les audiences et faits de société et sur la politique, un peu. Parce qu'ils disent presque tout du monde qui nous entoure. Intérêt marqué pour la culture, la gastronomie et le champagne. Celui qui se boit et celui qui a su si bien se vendre jusqu'ici.

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