RATTRAPÉ PAR LE MAL

Il a été un des auteurs, et pas le moindre, de l’assassinat homophobe de François Chenu par trois skinheads au Parc Léo Lagrange de Reims le 14 Septembre 2002. Depuis sa libération il y a 10 ans, il partageait son temps entre son salon de tatouage et sa vie de père de famille sans histoire. Mais une jolie cliente l’a dénoncé pour une agression sexuelle. Malgré le désespoir, le repentir puis le déni qu’il a pu exprimer dans ses auditions et à la barre, le Tribunal Correctionnel de Reims vient de le condamner à 4 ans de prison ferme.

Des trois skinheads qui ont frappé François Chenu à mort cette nuit-là, Mickael Regnier était sans doute le plus structuré, celui dont beaucoup pensaient, jusqu’à une période très récente, qu’il serait capable de rester dans le droit chemin. En témoigne le podcast  de la série Crimes et Témoignages de Radio France sur l’affaire François Chenu, à écouter ICI Et il est vrai que le quadragénaire a su depuis dix ans reconstruire sa vie sans faux-pas.

UNE RÉINSERTION RÉUSSIE

Son avocat  n’a pas manqué d’insister sur sa parfaite réinsertion à l’audience. Sa crête «punk» qui  laisse apparaître de nombreux tatouages sur son crâne rasé, son regard bleu glacier dans un visage émacié, sa voix de grand fumeur ne lui donnent pourtant pas  l’apparence d’un homme serein. Il explique au tribunal qu’il a mis fin a son addiction sévère au cannabis…depuis 2 ou 3 mois. Il n’empêche que son salon « Celtic Tatoo » a su résister  aux difficultés du moment sur un marché très concurrentiel. Mickael Regnier est apprécié de ses clients, dit son avocat Hugo Fabry, et  aucune plainte ou critique n’a été formulée contre lui jusqu’ici. La mère de ses deux enfants n’a d’ailleurs pas voulu croire aux accusations d’agression sexuelle qui lui valent d’être jugé une fois encore. Elle est à ses côtés, elle revendique un soutien indéfectible. « J’aime ma femme, dit le tatoueur à la barre, j’ai tout reconstruit, je veux sauver mon honneur… Je ne vois pas comment ça a pu arriver. J’essaie de comprendre ».

CHRONOLOGIE D’UN DÉRAPAGE FATAL

Ce matin du premier décembre, la cliente de Mickael Regnier est arrivée tôt.  C’est une habituée, elle a déjà fait appel aux talents du tatoueur à huit reprises. Cette fois ce sera pour ajouter quelques fleurs le long de sa colonne vertébrale, plus «amour» sur le haut de la fesse droite, et «divine» de l’autre côté. L’une et l’autre se préparent donc à une longue séance qui doit durer pratiquement toute la journée. Mais à 15h15 la jeune femme envoie un texto à son compagnon. « SOS, je suis pas bien là. G le cœur qui bat à 1000 » Le tout ponctué par l’emoji d’un visage en larme. Un peu plus tard au commissariat elle expliquera que la main gantée du tatoueur à pénétré son sexe. Une dizaine de va et vient, son souffle court, le frottement de sa barbe sur la fesse… La séance est très vite interrompue par l’arrivée en urgence de son conjoint, un habitué du salon lui aussi. Le passé de Mickael Regnier lui interdit tout dérapage, alors il tombe à genoux pour supplier qu’on n’appelle pas la police, ce qui ressemble bien  à un aveu.

LE PASSÉ PÈSE LOURD

«J’étais sous le choc. Je savais très bien que le moindre écart serait payé très cher pour un repris de justice comme moi »  justifie Mickael Regnier. La plaignante n’assiste pas à l’audience, son compagnon suit les débats mais il refuse de prendre la parole,  sans réagir au déni du prevenu. « Je ne vois pas comment ça a pu arriver. C’est la première fois que ça m’arrive un truc comme ça. Oui c’est une belle femme…mais je sais qu’elle vient de se marier… je n’ai eu aucune intention sexuelle.» Mais le réquisitoire du procureur est sans appel. « La thèse du geste involontaire est insoutenable et insultante pour la victime ». Il rappelle les gestes ambigus  déjà signalés par la plaignante à son conjoint à l’occasion dune autre séance en 2024. Il assène les conclusions d’un expert psychologue  « dangerosité criminologique structurelle ». Avant de conclure  « Il peut encore nous surprendre ».

L’HYPOTHÈSE SUGGÉRÉE D’UN COMPLOT

L’avocat de la défense tente  d’insinuer le doute chez les juges. Pourquoi cette cliente est-elle revenue après le premier épisode suspect qu’elle a décrit un an plus tôt ?  Pourquoi le mari a-t-il récupéré les gants du tatoueur dans la poubelle, sans les utiliser comme éléments de preuve ?  Mais la conviction du Président du Tribunal est faite. Dès le début des débats, il s’est agacé de la défense simpliste  Mickael Regnier. « Pénétrer digitalement, ça se sent. » assène le magistrat, avec d’autant plus de fermeté que des traces d’encres ont été retrouvées à l’entrée du vagin de la jeune femme. La réquisition du  Procureur de la République est suivie par le Tribunal : 4 ans fermes avec mandat de dépôt. Le soir même de son procès, Mickael  Regnier a donc retrouvé l’univers carcéral. C’est d’ailleurs là qu’est née sa passion pour le tatouage , il y a plus de 20 ans, après l’assassinat de François Chenu.

Monique Derrien

Journaliste

Journaliste indépendante après 30 années d’exercice à Radio France, comme reporter puis grand reporter.

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