La notoriété du chef Thierry Marx est planétaire. Sa cuisine séduit autant que ses succès de dirigeant. Du prestigieux restaurant parisien qu’il dirige sur la Tour Eiffel, jusqu’aux établissements qu’il a créés au Japon. Chef d’entreprise charismatique, fondateur de plusieurs centres de formation, président national de L’UMIH, Thierry Marx était décidément l’invité d’honneur idéal pour nourrir le débat de l’assemblée générale annuelle des Dirigeants Responsables de la Marne.
L’Association des Dirigeants Responsables de la Marne regroupe 75 patrons qui emploient 25 000 salariés. Ils sont attachés à cette fameuse RSE, la Responsabilité Sociétale des Entreprises qui veut intégrer les préoccupations sociales et environnementales à leurs activités. Et justement, pour Thierry Marx, la RSE est une évidence.
« L’ÉCOLE, C’ÉTAIT PAS MON TRUC »
Depuis l’estrade du Grand Amphi de Sciences Po à Reims, l’entrée en matière de Thierry Marx est prometteuse parce qu’elle est en rupture avec tous les poncifs de la formation et du management. Il annonce d’emblée que l’école n’est vraiment pas ce qui lui a permis de valoriser ses nombreux atouts. Pour ce probable surdoué, l’Education Nationale n’a su proposer rien d’autre qu’une classe de transition. « Mon coup de chance, c’est d’avoir rencontré le judo et la boxe. Là je découvre que je ne suis pas aussi bête qu’on a voulu me le dire. » Il réussit, jusqu’au championnat de France de judo, mais pas par le sport-étude : son parcours scolaire lui interdisait cette filière royale. Heureusement, on lui conseille d’entrer chez les compagnons du devoir, l’élite du monde du travail. Et la Préparation Militaire Terrestre lui permettra un peu plus tard, de sortir de sa banlieue, de changer de trajectoire.
INCLUSION, LE MOT D’ORDRE DE LA RSE
Aujourd’hui les collaborateurs de Thierry Marx se comptent par centaines : de 800 en France jusqu’à 1500 avec ceux du Japon. Un premier Macaron Michelin le couronne en 2004, le second suit très vite. Envoyé Spécial lui consacre un magazine de 45’ dans la foulée. Et là, les lettres pleuvent. Ils sont tellement nombreux ces jeunes des quartiers qui n’arrivent pas à émerger ! Et le défi s’impose au chef déjà auréolé de gloire : « Qu’est-ce que je vais pouvoir faire pour aider ceux qui sont de la même extraction sociale que moi ? ». Ses rencontres avec Julien Lauprêtre, le président du Secours Populaire, ou Véronique Colucci, aux restaurants du Cœur, sont déterminantes. Il constate alors que des personnes très éloignées de l’emploi peuvent être très compétentes. Aujourd’hui son message est clair : c’est aux dirigeants et aux centres de formation d’aller chercher ceux qui sont en précarité. Du côté du Secours Populaire, auprès de l’Aide Sociale ou de la Protection Judiciaire à l’Enfance…
FAIRE POUR APPRENDRE
Les études classiques servent à apprendre, pour agir ensuite. Tout le monde n’est pas doué pour ces parcours-là. L’autre approche, c’est de « faire pour apprendre ». La dizaine d’écoles qu’il a créées est née de cette conviction. 14 000 personnes ont été formées à ce jour dans les centres de formation professionnelle de Thierry Marx, aux métiers de la cuisine, de la boulangerie, du service et de la sécurité. La formation qu’il propose en 12 semaines est gratuite, mais la monnaie d’échange s’appelle rigueur, engagement, régularité. 7% des apprenants ont pu créer une entreprise durable. «On a remis les personnes en verticalité. Elles sont placées en situation de projet. La solution est là ». L’impact environnemental serait impossible sans impact social, selon Thierry Marx. « C’est la seule croissance qui sera durable. »
UN PROJET, BIEN MIEUX QU’UN EMPLOI
Selon le chef étoilé, cette société a voulu infantiliser tout le monde. Le dysfonctionnement du système classique c’est d’infantiliser. Dans le monde du travail de Thierry Marx, c’est tout le contraire. « Aider les gens à rester devant Netflix, ça ne sert à rien. Nous les ramenons dans un projet-métier. Il faut leur apprendre à regarder au-dessus de la ligne d’horizon. C’est le mécanisme qui m’intéresse comme manager. » Pour l’invité des Dirigeants Responsables, le volet essentiel de la RSE c’est de créer des entreprises qui permettent de favoriser l’inclusion de 5 à 30% des collaborateurs. Ça fonctionne dans son restaurant de la Tour Eiffel, et mieux encore sur l’activité traiteur-événementiel qu’il a lancée. 400 des collaborateurs y sont en situation d’insertion parce que dans cette entreprise là, les métiers sont très variés. Il lui a fallu 10 ans pour la mise en place d’un véritable management d’inclusion. Et le taux d’inclusion se mesure facilement, selon patron de l’UMIH, par le nombre de personnes qui montent en compétence dans une entreprise.