ILS ONT FAIT MOURIR LE PETIT TONY

Le second procès de la mère de Tony et de son compagnon s’est ouvert devant les Assises des Ardennes. L’enfant est mort à l’âge de 3 ans dans de terribles souffrances, sous les coups de Loïc Vantal. Caroline Létoile a laissé faire. Dès les premières heures de l’audience l’horreur s’est installée sans surprise, dans une insoutenable litanie. L’alourdissement des peines est en réalité le grand enjeu de ce nouveau procès.

En première instance, ils ont écopé de 20 ans de réclusion criminelle et 4 ans d’emprisonnement. Les réquisitions étaient plus lourdes : 30 ans pour lui, c’est la peine maximale encourue, et 5 ans pour elle.  Le parquet général a donc fait appel. Loïc Vantal avait 24 ans quand il a mortellement frappé Tony en Novembre 2016. Il est à nouveau jugé pour ces “violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner”. Caroline Létoile doit répondre de non assistance et non dénonciation. Elle avait 16 ans quand son fils est né, 19 ans quand il est mort. Elle comparait libre. Huit mois ont passé depuis leur premier procès. Ils ont peu changé. Ils reconnaissent les faits. Lui continue à dégager une forme d’autorité malgré 5 années de détention. Elle indique qu’elle est femme de ménage et qu’elle vit en couple. Caroline Létoile a toujours été incapable de vivre seule. Les policiers et pompiers sont entendus les premiers. Leurs constatations à leur arrivée sur les lieux du drame suggèrent à eux seuls le calvaire de Tony.

UNE MALTRAITANCE INOUÏE

Dans le logement social de la Tour des Argonautes à Reims, le comportement de Loïc Vantal n’est pas adapté à cette situation dramatique. Pas plus que la brutalité de ses gestes sur l’enfant de trois ans qui gisait inanimé. Son refus d’admettre le décès qu’on lui annonce un peu plus tard l’est tout autant. Le couple s’était mis d’accord pour faire croire à une chute de Tony dans l’escalier. Il est mort, en réalité,  d’un éclatement de la rate. La présidente de la Cour l’indique dans sa synthèse du dossier : l’enfant avait des hématomes sur tout le corps. On a retrouvé les traces de son sang dans toutes les pièces de l’appartement.

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Les images produites à l’audience sont édifiantes. La chambre de Tony n’est pas meublée. Le matelas est au sol, souillé par les vomissures. Les portes sont enfoncées par les coups. Tout indique une maltraitance extrême. Rien, dans le réfrigérateur, n’est adapté à l’alimentation d’un enfant de 3 ans.

ON ALLAIT FÊTER NOËL

Mais dans le séjour, l’arbre de Noël est en bonne place, comme dans toute famille heureuse. Le besoin de normalité est bien là. Une voisine en atteste à sa manière. Quand elle s’est étonnée de l’hématome qui marquait le front de Tony, un matin dans l’entrée de l’immeuble, sa mère a répondu sans discussion possible : “il ne le frappe pas”.

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Cette locataire témoigne avec une réticence extrême, entre de longs silences. Son appartement était mitoyen de celui des accusés au 7ème étage de la tour HLM. Il est évident qu’elle a entendu les pleurs de Tony quand il était tabassé. Mais elle reste confuse. Les plaintes d’un enfant qui souffre, les soirées trop bruyantes de ses parents et leurs ébats amoureux sont mis dans le même sac. Tout plutôt que d’admettre qu’elle aurait dû réagir pour protéger Tony. Elle n’est pas la seule à tenter de se rassurer par le déni.

LE DÉNI DE L’ENTOURAGE

Ainsi la directrice de l’école est-elle longtemps restée injoignable avant de répondre enfin à la convocation de la justice. Tony n’a pas fréquenté l’école dans les 10 jours qui ont précédé sa mort. Il existait pourtant des suspicions de maltraitance sur cet enfant. Mais personne n’a signalé son absence.

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La famille de Tony, les amies de Caroline Létoile sont restées tout aussi silencieuses malgré les doutes. Il sera bien évidemment question de l’inertie de tous ceux qui auraient pu donner l’alerte comme le prévoit la loi. Un seul voisin est poursuivi pour non dénonciation de mauvais traitements. Relaxé à deux reprises, il doit être bientôt rejugé. Sa relaxe a été cassée sur un pourvoi du parquet. C’est un autre débat judiciaire. Ici, pour les jurés des Ardennes, il s’agit d’évaluer la responsabilité d’un couple.

DES PEINES ALOURDIES ?

Caroline Létoile justifie son silence par la crainte de se voir retirer son enfant. Elle encourt la peine maximale : 6ans d’emprisonnement, d’ailleurs requis en première instance. Les faits reprochés à Loïc Vantal pourraient lui valoir jusqu’à 30 ans de réclusion criminelle. C’est ce qu’avait demandé le ministère public à Reims. Mais pour le nouvel avocat de l’accusé cette peine nécessiterait des circonstances aggravantes. Comme des actes de torture et de barbarie qui, selon Richard Delgenes, n’existent pas dans ce dossier. L’avocat (ci-dessus au côté de Maitre Vallet pour la défense de Caroline L’étoile) ajoute que d’autres personnes sont poursuivies pour leur responsabilité dans la mort de Tony. Sa mère, un voisin…Loïc Vantal n’aurait donc pas toute la responsabilité de ce drame. Ce qui devrait lui épargner une peine maximale. Le verdict est attendu en fin de semaine.

Au terme de 5 jours d’audience les jurés des Ardennes n’ont pas alourdi la peine de  Loïc Vantal : il reste condamné à 20 ans de réclusion criminelle. Caroline Létoile, écope de 5 ans d’emprisonnement (la peine maximale encourue) sans mandat de dépôt.

Monique Derrien

Reporter puis grand reporter à Radio France de 1987 à 2016. Prix du Grand Reportage de Radio France. Chronique judiciaire régulière et assidue des petits et grands procés : Chanal, Heaulme, Fourniret. Attention soutenue sur les audiences et faits de société et sur la politique, un peu. Parce qu'ils disent presque tout du monde qui nous entoure. Intérêt marqué pour la culture, la gastronomie et le champagne. Celui qui se boit et celui qui a su si bien se vendre jusqu'ici.

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