PERSONNE N’A SU SAUVER TONY DE SON DESTIN TRAGIQUE

LA VIOLENCE, LA PEUR, LA NEGLIGENCE ETL’INCOMPETENCE SE SONT ACHARNÉES SUR LE SORT DE L’ENFANT

Les souffrances atroces qui ont été infligées au petit Tony n’ont pas eu lieu au grand jour. Seule sa mère Caroline Létoile y assistait. Elle comparait devant les Assises de la Marne en même temps que Loïc Vantal, l’ex compagnon qui s’est acharné sur son fils jusqu’à la mort. Avant de les interroger sur ces maltraitances fatales, la Cour a entendu ceux qui auraient pu donner l’alerte. Leurs regrets pèsent très lourd.

 

La violence terrifiante de Loic Vantal sur un enfant de trois ans a été décrite sans détours par les experts. Mais elle reste un mystère. La passivité de la mère de Tony en est un autre. Au moins l’audition des témoins de ce procès aura-t-elle mis la lumière sur son extrême solitude

DES AMIS TROP DISCRETS

Caroline Létoile avait une amie d’enfance dont elle était très proche. Leurs deux enfants ont fait leur rentrée ensemble. Tony et Kenza étaient inséparables. “Toute ma vie, dit encore la fillette aujourd’hui, ça me hantera de ne pas être partie comme lui.” Au point que sa mère a hésité à se porter partie civile. La jeune femme déverse sa peine à la barre comme pour noyer sa culpabilité de n’avoir pas agi il y a 4 ans. Et d’ailleurs elle ne se souvient plus  de ce qu’elle a décrit aux enquêteurs. Les bleus, qui et Tony qui boitait ? Non vraiment. Elle se souvient juste d’une belle bosse sur la joue de l’enfant, comme un œuf de Pâques. “Une chute” avait dit Caroline. L’assistante sociale a qui elle en a parlé n’a pas donné suite.

DES VOISINS QUI SE TAISENT

Caroline Létoile avait des voisins, dont Jonathan Lautour. Poursuivi pour n’avoir pas donné l’alerte il a été deux fois relaxé par le Tribunal Correctionnel. Il est en attente d’un troisième procès après le pourvoi en cassation du Parquet Général.

Compte rendu du premier procès .

Jonathan Lautour entendait tout. “Je vais te mettre ta gueule dans ta pisse” quand Tony avait souillé les draps. « Aïe, Aïe, Aïe »,  quand le petit se faisait jeter contre les murs, la mère pleurait. “Soit il la faisait pleurer, soit il la faisait jouir”. Ma compagne lui a dit “vous le battez tous les jours.” Elle l’a traité de menteuse. Et les choses en sont restées là. Une autre voisine a entendu des sanglots de Tony qui l’ont prise au ventre. Quand elle remarque ses bleus dans les escaliers la réponse  de la mère a bizarrement jailli : “Il n’est pas battu”. “C’était peut-être un appel au secours ?” demande l’avocat général. “Avec le recul, oui.” Elle entendait aussi Loïc Vantal hurler. “Le batard, t’es toujours en train de le défendre. J’ai cru à un couple qui se tapait dessus, je n’ai pas voulu m’en mêler.”

UNE FAMILLE “À LA COOL”

Caroline Létoile a une mère. “A l’écoute” comme elle le dit à la barre. Elle a eu 7 enfants, « élevés à la cool”, au point que certains d’entre eux lui ont été retirés. N’empêche. Elle évoque une nichée chaleureuse, la porte grande ouverte aux enfants et à leurs copains. Caroline a vécu chez elle avec Anthony, le père de Tony. Ellle avait 17 ans quand l’enfant est né. Quand elle a eu son appartement il lui a fallu 6 mois pour s’y installer . Et puis elle a quitté Anthony pour Julien. Et Loïc Vantal a finalement pris la place

“On s’est moins vu quand il est arrivé. Je le sentais pas” commente la mère. On se doutait qu’il battait Tony. Un jour quand je suis arrivée chez eux, j’ai trouvé la chambre de Tony complètement vide, juste deux matelas sans draps. Il était puni. “ Ça ne vous a pas surpris les draps? J’ai pensé qu’ils tournaient dans la machine.” Pourquoi est-ce que vous ne creusez pas, pourquoi ne vous êtes-vous pas portée partie civile après le drame?” lance l’avocat général. Le silence en dit long, autant que ce déni total quand les avocates de Caroline Létoile révèlent à l’audience qu’elle a été violée à 15 ans par le compagnon de sa sœur.

UNE DIRECTRICE D’ÉCOLE DÉFAILLANTE

Tony avait une institutrice, la directrice de l’école du quartier des Châtillons, un quartier difficile de Reims. “Nous avons une très mauvaise réputation d’école signaleuse,dit Annick Hervo, et nous sommes très au fait de ce qui peut se passer. ” Malheureusement pour lui, Tony était à l’aise avec les adultes, ce qui a été suffisamment rassurant pour l’enseignante chevronnée. Elle a  bien repéré un bleu mais la mère lui a expliqué qu’il était tombé sur un meuble. “Vous auriez du voir les lésions sur les membres inférieurs de Tony ? On avait l’intention de faire un signalement au retour de Tony, mais il n’est pas revenu et on n’a pas donné suite. On n’a pas été bon. “  Lire aussi Enfance maltraitée

Monique Derrien

Reporter puis grand reporter à Radio France de 1987 à 2016. Prix du Grand Reportage de Radio France. Chronique judiciaire régulière et assidue des petits et grands procés : Chanal, Heaulme, Fourniret. Attention soutenue sur les audiences et faits de société et sur la politique, un peu. Parce qu'ils disent presque tout du monde qui nous entoure. Intérêt marqué pour la culture, la gastronomie et le champagne. Celui qui se boit et celui qui a su si bien se vendre jusqu'ici.

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