LE VOISIN DU PETIT TONY VEUT FAIRE CASSER L’ARRÊT QUI LE JUGE COUPABLE DE NON DÉNONCIATION DE MAUVAIS TRAITEMENTS

Depuis 7 ans, Jonathan Lautour veut convaincre la justice qu’il a fait ce qu’il pouvait pour signaler les souffrances du petit Tony. Cet enfant de 3 ans a été frappé à mort par son beau-père en Novembre 2016 à Reims*. Plusieurs personnes savaient qu’il était  battu, sans l’avoir signalé. Seul Jonathan Lautour a été poursuivi. Il a été relaxé, en première instance et en appel. Mais cet arrêt a été cassé. Après une procédure fleuve, la Cour d’Appel vient de le déclarer coupable de non dénonciation, sans lui infliger de  peine. Il se pourvoit en cassation.  

Jonathan Lautour est dispensé de peine. Mais il n’arrive pas à comprendre pourquoi la Cour d’Appel de Reims le juge coupable de ne pas avoir dénoncé les mauvais traitements infligés à Tony par son beau père, avant qu’il ne meure sous les coups. A l’audience, cet homme fatigué avant l’âge a même reçu le soutien inhabituel de la partie civile. Maître Chalot défend les intérêts du père biologique de Tony. L’avocat est revenu sur les faits qui auraient du selon lui, disculper Jonathan Lautour.

DES DYSFONCTIONNEMENT NOMBREUX

Jonathan Lautour vivait dans le même immeuble que le petit Tony et ses parents, une tour du quartier Châtillon à Reims. Avec sa compagne atteinte d’un cancer incurable, ils entendaient les cris de l’enfant, les bruits sourds, et les hurlements de son beau-père quand il découvrait le lit mouillé de Tony le matin. « Je vais te mettre la gueule dans la pisse ». Le commissariat de police du quartier était fermé quand Jonathan Lautour y est allé pour un signalement, alors il a alerté le bailleur social sur ce climat préoccupant, insiste Maître Chalot. La police s’est déplacée, mais c’était pour gérer le tapage, pas les souffrances de Tony. Les fonctionnaires auraient pu s’étonner de l’état de la chambre de  l’enfant. Les signes de maltraitance étaient bien là. Mais ils n’ont rien fait. Les responsables de l’organisme logeur ont indiqué, quant à eux, qu’ils n’avaient pas été informés. Et l’enquête n’a malheureusement pas cherché à expliquer ce dysfonctionnement très regrettable . 

 « ON A RÉALISÉ APRÈS COUP »  

Durant ces 7 années de procédure, la justice a consacré de multiples débats au comportement de Jonathan Lautour. On a maintes fois évoqué les séquelles d’un traumatisme crânien qui lui vaut de bénéficier d’une allocation d’adulte handicapé. On a souligné qu’il était un voisin souvent absent, parce qu’il suivait une formation en région parisienne. On a rappelé que sa compagne, décédée peu après Tony d’un cancer incurable, était devenue le centre de toutes ses attentions à la fin de sa vie. Au cours de l’audience la plus récente, la Cour est évidemment revenue sur ses déclarations aux enquêteurs après le drame. «On entendait du bruit, des insultes, des chocs violents, des pleurs et des cris de détresse ». Il y avait  en effet de quoi s’inquiéter fortement, comme l’a rappelé la Présidente. «On a réalisé après coup» justifie Jonathan Lautour. Est-ce cette prise de conscience tardive qui l’a poussé à évoquer le calvaire de Tony devant les caméras de TF1 ?

LE PIÈGE MÉDIATIQUE 

« Dernier effort de vérité, fustigeait le Procureur de la République Matthieu Bourrette dans le tout premier réquisitoires de ce feuilleton judiciaire, pour pouvoir dire qu’on est un type bien.” La diffusion du témoignage glaçant de Jonathan Lautour, quelques secondes extraites d’un long tournage, a sans doute été dévastateur pour lui. « Depuis 7ans il répète qu’il  lui était impossible d’imaginer la gravité de la situation. D’autant qu’il a été lui-même une enfant maltraité souffrant d’incontinence, insiste Maître Braconnier.  La notion de mauvais traitement est différente pour chacun d’entre nous. Il pensait que Tony vivait les souffrances qu’il avait vécues, sans plus. Il n’a jamais vu Tony. » Et l’avocate égrène le chapelet de tous ceux qui ont vraiment approché l’enfant. Le père, la grand-mère, la directrice de l’école, l’amie,  la mère, la voisine…Ceux-là ont bien vu les marques de coups, sans y donner aucune suite. Et ils n’ont pas été inquiétés. Lire ICI

AVAIT-IL CONNAISSANCE ?

Jonathan Lautour est le seul à avoir agi. Les  choses se sont d’ailleurs calmées après le passage de la police. « Devait-il avoir une analyse plus fine que tous ceux qui savaient demande l’avocate . S’il n’y avait pas d’éléments pour les poursuivre, alors il n’y en a pas davantage pour Jonathan Lautour. » Quand doit-on considérer que l’on sait ? Et d’ailleurs, les textes sont-ils assez clairs sur ce point. A la faveur d’un des multiples épisodes judiciaires de ce dossier, Ludivine Braconnier a même tenté de déposer une QPC, question prioritaire de constitutionnalité. Lire plus  ICI .Elle aurait eu pour but, si elle avait été acceptée, de clarifier  la loi pour préciser les circonstances d’une dénonciation obligatoire. « On devrait avoir ce débat dans l’hémicycle a regretté Maître Chalot. Cette affaire devait être exemplaire, la mort récente d’une petite Lisa de 3 ans sous les coups de ses parents vient de prouver que rien n’a changé.» Bien qu’il soit exempté de peine, Jonathan Lautour veut  absolument faire casser l’arrêt qui le juge coupable.  

*Loic Vantal ,beau-père de Tony, a été condamné à 20 années de réclusion criminelle aux Assises. La mère de l’enfant a écopé de 4 ans de prison pour n’avoir pas su le protéger. 

Monique Derrien

Reporter puis grand reporter à Radio France de 1987 à 2016. Prix du Grand Reportage de Radio France. Chronique judiciaire régulière et assidue des petits et grands procés : Chanal, Heaulme, Fourniret. Attention soutenue sur les audiences et faits de société et sur la politique, un peu. Parce qu'ils disent presque tout du monde qui nous entoure. Intérêt marqué pour la culture, la gastronomie et le champagne. Celui qui se boit et celui qui a su si bien se vendre jusqu'ici.

You May Also Like