LES VIGNERONS DE CHAMPAGNE DOIVENT RESTER UNIS, MÊME SUR LA QUESTION DES HERBICIDES

L’Assemblée Générale 2023 du SGV a été particulièrement suivie  et consensuelle. Il faut dire que les vignerons de Champagne ont beaucoup de raisons d’être sereins. La dernière vendange a été exceptionnelle en quantité et en qualité. Agissant  comme un remède à la morosité ambiante, le champagne continue par ailleurs à très bien se vendre. L’objectif est évidemment de satisfaire cette demande. 

Il faut donc tirer les leçons des vendanges 2020 où on s’est imposé de laisser de superbes grappes dans les vignes… pour manquer de vin un peu plus tard. Cette fois c’est fait. La nouvelle réglementation sur les  rendements est, il est vrai, particulièrement difficile à assimiler. Mais elle devrait permettre d’abonder une  réserve dans laquelle on pourra puiser, avec plus d’efficacité encore que précédemment, pour pallier de mauvaises récoltes. Il serait même question de porter le rendement butoir à 16 500 kilos/hectares, mais sans en faire une incitation à la productivité ajoute très vite le SGV.  

LE PHYLLOXERA DU 21EME SIÈCLE 

Après la grogne qui a suivi les restrictions de 2020, ces ajustements satisferont le plus grand nombre. A sa manière, la  menace de la flavescence est elle aussi  un facteur d’union. Sa propagation est en effet  la seule ombre au tableau de la viticulture champenoise, plutôt épargnée jusqu’ici par les aléas climatiques. Le variant M54 de cette  forme de jaunisse est particulièrement préoccupant. C’est celui qui sévit en Champagne. Personne ne songera à contester les mesures drastiques d’éradication de ce “phylloxera du 21ème siecle”, ce sont les mots de Maxime Toubart (image ci dessus). Cette bataille rassemblera les troupes, bien évidemment. La seule fêlure de ce qui ressemblait à un bloc soudé dans le Palais des fêtes d’Epernay, est apparue dans le discours d’orientation du président du SGV, à propos des herbicides. Et c’était pour revenir sur une polémique médiatisée  dans Le Monde, en décembre dernier, sous la forme d’une tribune signée par 125 vignerons (bio ou non). Le texte réclamait que l’interdiction des herbicides figure  dans le cahier des charges de la Champagne. 

CONTRE LES HERBICIDES, MAIS D’UNE SEULE VOIX 

Après le silence assourdissant qui a suivi cette publication retentissante,  notamment durant  l’AG de l’Association VIticole Champenoise (LIRE ICI), Maxime Toubart en a cette fois interpellé les signataires. Il les comprend sur le fond….mais en dénonçant la forme. Elle constitue selon lui ”une gifle au collectif”.  Car , dit-il, « prendre à témoin l’opinion publique via la presse et les réseaux sociaux n’est pas acceptable. De la même manière, je dénonce fortement ceux qui ne font pas d’effort pour cesser d‘utiliser les herbicides. » Et encore : « les  pouvoirs publics ont un devoir de favoriser cette transition.”  Cette mise au point  aura bien été le seul moment de mauvaise humeur d’une AG religieusement suivie, sans aucune objection. Elle aura permis de rappeler les principes fondamentaux qui garantissent la prospérité de l’appellation. Le plus connu, “il n’est champagne que  de la Champagne”, affirme  la production exclusive du roi des vins sur son terroir. On pourrait y ajouter cette règle absolue :  les affaires champenoises doivent se régler entre champenois.
Et surtout,  le collectif est la règle. Et ceux qui s’en écartent sont toujours pointés du doigt. 

Monique Derrien

Reporter puis grand reporter à Radio France de 1987 à 2016. Prix du Grand Reportage de Radio France. Chronique judiciaire régulière et assidue des petits et grands procés : Chanal, Heaulme, Fourniret. Attention soutenue sur les audiences et faits de société et sur la politique, un peu. Parce qu'ils disent presque tout du monde qui nous entoure. Intérêt marqué pour la culture, la gastronomie et le champagne. Celui qui se boit et celui qui a su si bien se vendre jusqu'ici.

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