CÉLÉBRER LA VENDANGE, MALGRÉ TOUT

LA VIGNE À TENU SES PROMESSES EN CHAMPAGNE MAIS CETTE VENDANGE SUPERBE NE CHASSERA PAS LA CRISE

Magnifique ! On est à onze degrés sur tout ce qu’on a pressé. Les quelques pluies ont permis au raisin de grossir, on a bien fait d’attendre.” Malgré un été caniculaire, désormais habituel en Champagne, Christine Scher-Sevillano ne s’est pas précipitée.

On est au tout dernier jour des vendanges, en plein soleil sur “Les Midis“. C’est le nom de cette parcelle si raide que son grand père avait envisagé de ne pas la replanter. Mais il en fallait plus à la vigneronne de Vincelles pour renoncer à ce joyau, “ma plus belle parcelle de chardonnay” parmi les huit hectares de l’exploitation. Quand on veut éviter les herbicides sur une parcelle aussi raide,  la solution c’est le cheval. Il a été à l’oeuvre jusqu’à la mi Juillet. Il reviendra un peu avant l’automne “pour que l’herbe n’empêche pas la vigne de se nourrir quand la sève va redescendre”. Avec son mari, la jeune femme a repris les rennes des Champagnes Piot-Sevillano dans la Vallée de la Marne. Neuf générations l’ont précédée.  Elle vend aujourd’hui les bouteilles qu’elle élabore, avec succès et jusqu’en Chine. Cette année la récolte est plus que prometteuse et pourtant le cœur n’y est pas.

« ON SAIT BIEN OÙ ÇA PÊCHE »

Comment ne pas se souvenir, en effet, du combat mené jusqu’à la rupture par La Fédération des Vignerons Indépendants dont elle est la Vice Présidente…en désaccord profond avec le Syndicat Général des Vignerons. Il portait sur le niveau des rendements de la vendanges. Lire par ailleurs https://www.moniquederrien.com/le-ton-monte-en-champagne/ 

Sans doute la mobilisation des indépendants a-t-elle permis de le hisser péniblement à 8000 kilos à l’hectare. L’interprofession envisageait des quotas beaucoup plus bas encore pour éviter une surproduction en pleine crise du COVID, non sans mettre les exploitants en danger. Cette victoire en demi-teinte sur les rendements ne résoudra pas tout.https://www.moniquederrien.com/rendement-a-tiroir-pour-les-vendanges-en-champagne/ Christine Scher en est bien consciente. “Moi même, cette année j’avais moins le cœur à vendanger alors que c’est notre première année officielle en certification bio. Les vendanges sont une célébration mais cette fois on n’était pas à la fête. Dans la côte des blancs les vignes échappent aux vignerons, elles sont reprises par les grandes maisons.” Les vendanges sont du coup confiées à des prestataires et l’ambiance n’est évidemment pas la même quand on héberge et nourrit ses cueilleurs, ce qu’elle a choisi de faire.  “Et surtout, poursuit la jeune femme, qu’est ce qui nous attend l’an prochain?  On peut dire tout ce qu’on veut, les ventes s’effritent quand les effervescents du monde entier se vendent énormément. Quelque chose se délite. Ok il y a la COVID, mais il n’y a pas que ça. Ça fait plusieurs années que certains galèrent à vendre leur bouteilles . Il parait que les vignerons ne savent pas vendre, mais moi je pense que c’est l’ensemble de la profession qui a un problème. Il manque un plan de relance stratégique de la Champagne, une campagne de promotion qui serait portée par toute la filière. Comment peut on parler de champagne collectif si on n’est pas capable de se mettre autour d’une table pour parler d’une communication globale ? https://www.moniquederrien.com/champagnes-de-vignerons-et-grandes-marques-feront-pub-a-part/

LA COVID, ET APRÈS ?

Sans vignerons, sans viticulteurs il n’y a pas de champagne. En limitant le rendement on a décidé de tuer une partie du marché champenois. Quand j’explique à l’autre bout du monde, jusqu’à Taïwan, comment on fait le champagne, comment on vendange à la main, je le fais au nom de Piot-Sevillano mais je le fais pour toute la Champagne. Peut être la COVID ouvrira-t-elle les yeux de certains.” L’inquiétude est bien là, mais la mobilisation n’en est que plus forte. Pendant que ses équipes donnent leurs derniers coups de sécateurs, elle se prépare à recevoir ses “Vendangeurs d’un jour”.  Des touristes accueillis pendant la récolte de la vigne au pressoir puis accompagnés dans les caves. C’est elle qui a imaginé ce concept désormais codifié et protégé. ”J’y tenais beaucoup.”

Cette offre oenotouristique a été reprise par une quarantaine de propriétaires depuis qu’elle est relayée et  soutenue par les Offices du Tourisme et les Vignerons Indépendants. Si Christine Scher-Sevillano est aujourd’hui l’enfant chérie des médias c’est sans doute parce que que son engagement politique se double d’une vraie passion champenoise.

Monique Derrien

Reporter puis grand reporter à Radio France de 1987 à 2016. Prix du Grand Reportage de Radio France. Chronique judiciaire régulière et assidue des petits et grands procés : Chanal, Heaulme, Fourniret. Attention soutenue sur les audiences et faits de société et sur la politique, un peu. Parce qu'ils disent presque tout du monde qui nous entoure. Intérêt marqué pour la culture, la gastronomie et le champagne. Celui qui se boit et celui qui a su si bien se vendre jusqu'ici.

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