QUAND LES COUPS PLEUVENT POUR UNE RIVALITÉ AU TRAVAIL : UN AN DE PRISON AVEC SURSIS 

A la descente du bus, non loin du centre d’appel où elle allait prendre son service à Reims, la toute jeune femme a été frappée, agréssée, humiliée par deux collègues. Pour cette violence irraisonnée, le Tribunal Correctionnel de Reims les a condamnées à un an de prison avec sursis.

Quand elle témoigne à la barre, Ines parle entre les sanglots. “Je n’arrive pas à me sortir de ce cauchemar. Elles voulaient me tuer. J’ai même tenté de me suicider.” Elle raconte la violence des coups qui l’ont jetée à terre pour être traînée dans la boue ; le corps et le visage abrasé, le bras luxé dont elle n’arrive toujours pas à se servir huit mois plus tard ; et surtout l’humiliation. Les cheveux coupés sur 40 cm : “Défigure-la, vas-y”. Les insultes à foison : ”Elle est moche, je vais la tuer, pimbêche sale pute”. 

LA HAINE SANS RÉSERVE 

Les deux anciennes collègues qui sont jugées pour ces violences n’étaient pas connues de la justice jusqu’à cette expédition punitive. Elles avaient un peu plus de 20 ans. Elles répondent d’une voix d’ange aux questions de la présidente. Mais rien n’est expliqué. Pour comprendre l’origine de ce déchaînement, il faudra s’en référer au dossier. Le CDI de Marie Laurence, une des deux prévenues, n’a pas été renouvelé parce qu’elle n’avait pas les compétences nécessaires à un poste d’opératrice. Peut-être la direction n’a-t-elle pas été assez claire sur ce point ? La frustration a fait son oeuvre. Ines est, du coup, rendue responsable de cette déception professionnelle par sa collègue. Il faut qu’elle paie. Marie Laurence, sympathise avec Annick, “le canard noir de la société” dit son avocate. Et voilà comment les deux salariés de Teletech International entament une opération de laminage. Elles ont décidé de régler le sort d’Ines dit Me Raffin , l’avocat de la victime (sur l’image ci-dessus). 

DEUX JEUNES FILLES  À L’ASSAUT 

Ines se sent harcelée au point que sa responsable la déplace, pour la rapprocher de son bureau. Mais un jour, tout bascule. Inès est dans le bus qui la conduit au travail. Elle voit monter Annick et Marie Laurence. Les deux jeunes femmes vérifient qu’elle est bien là. “J’ai eu une intuition quand je les ai vues” raconte la victime. Ses craintes sont justifiées. Elle est assaillie à sa descente du bus. L’une fournit les ciseaux de l’humiliation, l’autre frappe  et coupe comme on l’incite à le faire. Les deux jeunes femmes écopent de la même peine : 12 mois de prison avec sursis. Le délit de harcèlement n’est pas retenu par la Tribunal. Dans la salle des pas perdus, Ines (sur l’image ci-dessous  avec sa mère) dit qu’elle attendait une peine plus sévère. « De la prison ferme pour qu’elles comprennent. Ca aurait pu être beaucoup plus grave. Moi je suis toujours enfermée. »

Monique Derrien

Reporter puis grand reporter à Radio France de 1987 à 2016. Prix du Grand Reportage de Radio France. Chronique judiciaire régulière et assidue des petits et grands procés : Chanal, Heaulme, Fourniret. Attention soutenue sur les audiences et faits de société et sur la politique, un peu. Parce qu'ils disent presque tout du monde qui nous entoure. Intérêt marqué pour la culture, la gastronomie et le champagne. Celui qui se boit et celui qui a su si bien se vendre jusqu'ici.

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