LE ROYAL CHAMPAGNE TOUJOURS EN RODAGE ?

Le vignoble de Champillon est  un des plus beaux paysages de la Champagne. C’est sans doute pour cette raison que les autochtones attendent beaucoup de l’impressionnant hôtel Spa de luxe qui domine désormais ce site mythique. Depuis l’immense terrasse qui couvre le bâtiment, la vue est à couper le souffle, comme elle  l’est sans doute depuis les 49 chambres de ce complexe 5 étoiles, après investissement de 30 millions d’euros. Dommage que les clients du restaurant gastronomique ne puissent pas profiter de cet océan de vigne  avec le même bonheur. La salle est somptueusement décorée  mais elle est en retrait. Elle occupe une toute petite partie du bâtiment historique, la seule qui ait été préservée. L’endroit qui faisait le bonheur de Napoléon quand il y sejournait avec ses généraux n’est plus la figure de proue du vaisseau. Tant pis pour les nostalgiques qui ont déjà vécu là de grandes heures gastronomiques il y a quelques décennies, et tant pis aussi pour le coup d’œil sur le paysage. Heureusement, la météo plus qu’ensoleillée n’interdit pas de  prendre l’apéritif dans les profonds canapés de la terrasse. On se réjouit d’avance d’y rendre hommage à Hervé Jestin en choisissant une des cuvées élaborées par le célèbre chef de cave des Champagnes Leclerc Briant, propriétés eux aussi  des riches investisseurs américains qui ont repris le Royal Champagne. Mais la carte des vins, très serrée, n’autorise pas ce  plaisir. Explication probable : la gestion de la terrasse est associée à celle du Bellevue, brasserie  bistronomique attenante et très courue. Faiblesse bien compréhensible d’une jeune équipe en rodage, personne ne pense à présenter la carte des vins beaucoup plus étoffée du restaurant gastronomique où vous dînerez. Cette table prometteuse est auréolée du prestige de son chef, Jean-Denis Rieubland.  

Il devrait jouer facilement dans la cour des nombreux étoilés qui ont éduqué les papilles des gourmets champenois. Il a laissé ses deux macarons Michelin au Negresco de Nice pour apporter son talent à une entreprise hors normes. Et la technique  de ce  Meilleur Ouvrier de France est bien au rendez vous , mais elle est mise à mal ce soir là  par la fraîcheur relative des poissons et crustacés. Peut-être faudra-t-il se contenter du Bellevue pour quelques temps encore ? Revenir plus tard pour profiter pleinement d’un Royal Champagne qui aura trouvé ses marques ? Attendre que  le lieu soit vraiment habité, pour révéler le charme d’une oeuvre architecturale imposante mais un peu froide pour l’instant ?  Quoi qu’il en soit,  la clientèle étrangère et fortunée qui a été ciblée ici trouvera tout ce qu’elle attend  des plaisirs oenotouristiques en Champagne.

Monique Derrien

Reporter puis grand reporter à Radio France de 1987 à 2016. Prix du Grand Reportage de Radio France. Chronique judiciaire régulière et assidue des petits et grands procés : Chanal, Heaulme, Fourniret. Attention soutenue sur les audiences et faits de société et sur la politique, un peu. Parce qu'ils disent presque tout du monde qui nous entoure. Intérêt marqué pour la culture, la gastronomie et le champagne. Celui qui se boit et celui qui a su si bien se vendre jusqu'ici.

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