LA CHARGE DES SUPPORTERS BASTIAIS CONTRE LES POLICIERS DE REIMS

Ils étaient jugés pour des faits d’outrages et de rebellions contre la police en marge du match Reims Bastia du 16 Fevrier 2013. Mais  au cours de cette audience qui a convoqué 7 supporters bastiais à la Cour d’Appel de Reims jeudi, il a surtout été question des violences policières dont les prévenus se sont dits victimes. Et la terrible blessure d’un de  leur compagnon, qui n’était pourtant pas à l’ordre du jour, a plombé les débats… à moins qu’elle ne les ait faussés. Maxime Beux, un étudiant de 23 ans, a perdu l’usage d’un œil dans ces affrontements. Après  un tir de  flash ball, c’est ce qu’il affirme, tandis que le rapport de police mentionne une chute sur un poteau. Ce drame fait l’objet d’une instruction séparée toujours en cours  dans laquelle l’IGPN, la police des police, est saisie. Mais comme il fallait s’y attendre, Théo et toutes les victimes de violences policières se sont invités à plusieurs reprises durant ces huit heures d’audience.

 

Le procureur a requis des amendes allant de 600 à 900 euros,  seulement, contre les supporters du SC Bastia. Mais s’il a fallu des heures de débat  et de visionnage de vidéos pour en arriver là, c’est  que les prévenus revendiquent un statut de victimes, victimes de bavures policières. Et on le voit sur les images, un des hommes de la Brigade Anti Criminalité a des gestes obscène face aux bastiais. Un policier frappe un jeune homme à terre à coup de bombe lacrymogène. Les avocats et leurs clients ont passé des heures à isoler les passages qui font mouche : Maxime Beux au sol, visiblement terrassé par la douleur porte la main au visage. Un de ses compagnons renonce à fuir. Il fait demi tour pour venir à son secours face à des policiers qui restent trés offensifs. Les prévenus, comme les témoins qu’ils ont fait citer nient toute insulte, toute provocation. Ceux qu’ils mettent en cause n’assistent pas à l’audience et leurs avocats plaident trés sobrement, comme pour calmer le jeu.

A CRAN BIEN AVANT LE MATCH

Tout  part d’un tir de fumigène bien visible sur les vidéos mais dont très peu se souviennent  à la barre. C’est à partir de  là , à 22H30 que le commandement ordonne les interpellations. En réalité les hommes  de la BAC ont été alertés  dés la fin de l’aprés midi par le patron d’un bistrot proche du stade. Il s’inquiétait de l’agressivité des corses contre ses clients rémois. Un peu plus tard, deux déflagrations ont fait sursauter les spectateurs qui s’installaient sur les gradins , traumatisés par le tout récent attentat du Bataclan. Les prévenus n’ont étrangement aucun  souvenir de ces tirs de bombes agricoles, comme la plupart des témoins qu’ils ont fait citer. De même ignorent ils tout de ces allusions abjectes à l’assassinat du Prefet Erignac ainsi que du tag de la même veine retrouvé dans les toilettes. Le président du « Bastia 1905 », le club des supporters, se dit même persuadé qu’il  s’agit là d’une preuve fabriquée pour charger l’accusation.

MAXIME BEUX, THÉO ET TOUS LES AUTRES

Maxime Beux  est ici cité comme témoin. La présidente lui rappelle que l’examen des circonstances qui lui ont valu de perdre un œil  feront l’objet d’une  audience ultérieure. Mais comment le museler quand il répète que c’est bien un tir de flash ball qui l’a blessé, et surtout quand il décrit les suites de ce drame ? Menotté dans le dos pendant prés de 2 heures au commissariat, aveuglé, étouffé par son sang il a du simuler un évanouissement au risque de se blesser dans sa chute pour qu’on  se décide enfin a appeler le SAMU. Et pour la défense, ça ne fait aucun doute : quand ils se sont rendu compte que Maxime Beux allait perdre son œil, les policiers ont monté un dossier d’outrage et rébéllion qui leur permettrait de justifier le dérapage. Chacun pense à Théo, forcément. La référence à l’affaire  des violences policières de Bobigny  est inévitable.  Le président de la Ligue des Droits de l’homme en Corse enfonce le clou, affirmant que les policiers  doivent savoir maîtriser les personnes autrement que par les coups. Le collectif du 8 Juillet, crée en 2009 aprés que des policiers aient blessé des manifestants à Montreuil, vient se dire solidaire des prévenus en dénonçant des pratiques habituelles de contournement de la vérité par les forces de l’ordre.

JOUER L’APAISEMENT

Difficile, dans ces conditions d’insister, sur la passé chargé de Maxime Beux,  repéré comme le meneur ce 13 Fevrier. Les images le montrent d’ailleurs  sur le point de faire exploser un pétard. Difficile de rappeler qu’il a été interdit de stade pendant un an, qu’il  a été mis en examen aprés les échauffourées qui ont  fait suite, sur l’île, aux affrontements de Reims. Difficile d’évoquer la situation d’un des prévenus  qu’il a fallu sortir de geôles Corses où il est emprisonné pour détention d’explosif. Difficile de s’apesantir sur  la réputation musclée des supporters du SC Bastia qui pouvait, à elle seule, mettre la pression sur les policiers. Le procureur admet pourtant l’échec du maintien de l’ordre dans cette opération, parce qu’elle s’est achevée sur un drame. La défense salue un réquisitoire d’apaisement qui  ne devra pas pour autant empêcher la relaxe.
Le jugement est attendu le 27 Avril. Sans impatience, car ce sont bien  les  véritables causes de la blessure de Maxime Beux qui font l’enjeu de ce dossier.

 

 

 

 

 

 

Monique Derrien

Reporter puis grand reporter à Radio France de 1987 à 2016. Prix du Grand Reportage de Radio France. Chronique judiciaire régulière et assidue des petits et grands procés : Chanal, Heaulme, Fourniret. Attention soutenue sur les audiences et faits de société et sur la politique, un peu. Parce qu'ils disent presque tout du monde qui nous entoure. Intérêt marqué pour la culture, la gastronomie et le champagne. Celui qui se boit et celui qui a su si bien se vendre jusqu'ici.

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