LA PAROLE DES VICTIMES DE PRÊTRES PÉDOPHILES EST DÉSORMAIS ENCOURAGÉE PARTICULIÈREMENT SOUS L’IMPULSION DE MONSEIGNEUR DE MOULINS-BEAUFORT, ARCHEVÊQUE DE REIMS.
Six réunions publiques ont été organisées à Reims et dans les Ardennes en ce mois de Septembre autour de la pièce de théâtre “Pardon?”, de Laurent Martinez. Cet homme de 51 ans a été violé par un prêtre quand il était âgé de 8 ans . Ce qui lui permet la description au scalpel des ravages de ce lourd secret, sur sa vie d’enfant et d’homme.
Au moins 10 000 enfants auraient été victimes de prêtres depuis 1950 selon le point d’étape réalisé en mars dernier par la commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Eglise, la CIASE*. Tous ces crimes ne devraient plus rester cachés. “Les faits sont avérés et indéniables”. Les termes de la lettre des Évêques de France aux catholiques, en Mars dernier, ne souffraient d’aucune contestation. Un pas immense avait été franchi. Mais les choses n’en sont pas restées là. Des mesures ont été prises pour que la parole se libère, comme promis.
PARLER SANS TABOU
C’est ainsi que la première de cette série de représentations voulues par l’Archevêque de Reims a été donnée à la maison diocésaine Saint Sixte devant une centaine de personnes. Les comédiens ont joué dans un silence recueilli. Leur performance a vite laissé la place à des témoignages bouleversants, parfois livrés entre les larmes. “C’est mon histoire” dit cet homme aux cheveux blancs. Il se lève pour être mieux entendu. Il avait 64 ans quand il s’est libéré de ce poids, mais ce n’est qu’en Juin dernier, huit ans plus tard, qu’il a pu en parler avec ses enfants. “Mon fils aîné m’a dit, tu ne nous parlais jamais de ton enfance, on se doutait qu’il y avait eu quelque chose. Je les surprotégeais, je refusais qu’ils partent en colo. Bravo à Monseigneur Moulins de Beaufort pour cette démarche.” “Depuis 2016 (dans la foulée des révélations de l’affaire Preynat NDLR) on sait ce qu’on ne voulait pas voir ponctue l’Archevêque.”
LE CÉLIBAT DES PRÊTRES N’EXPLIQUE PAS LES DÉRIVES, MAIS…
“Je ne suis pas croyante, dit une spectatrice. Mais que dit-on au niveau de la papauté de ce problème ?” La question du célibat des prêtres ne peut évidemment pas être écartée de la réflexion. “Il est bon qu’une discussion s’ouvre sur les problèmes qui se posent à des gens qui s’engagent pour le célibat” dit un fidèle. Les professionnels sont nombreux à suivre les débats, et ils insistent : la majorité des abus sexuels dont ils ont à connaître sur des enfants interviennent dans le milieu familial, dans le sport ou à l’école, de la part d’enseignants mariés.
Eric de Moulins-Beaufort« Le mariage n’est pas une solution à la perversion de certains, dit encore l’Archevêque de Reims. L’intégration pacifique de la sexualité est parfois compliquée. J’ai eu la chance dans ma formation de pouvoir beaucoup réfléchir à ces questions. Ce qui aide à comprendre ce qui se joue dans la sexualité. »
MAINTENANT ON SAIT
Les échanges à bâtons rompus touchent au but. Ils sont bien l’occasion de nourrir une réflexion apaisée, mais sans tabou. Sur la question du célibat des prêtres, Laurent Martinez veut ainsi rappeler que la pédophilie peut être exacerbée par la privations de sexualité, faisant de l’enfant une proie facile. Tandis que Monseigneur de Moulins-Beaufort n’exclut pas que la prêtrise porte pour certains l’espoir de guérir de leurs “drôles de phantasmes”. Tous ceux qui auront assisté à ces débats seront à n’en pas douter “un peu plus capable d’entendre la parole des victimes”comme une réalité dans laquelle il faut que nous nous plongions” dit encore l’archevêque de Reims. “On sait aujourd’hui ce qu’est la souffrance des enfants, on ne peut plus penser qu’ils vont oublier.” Une assistante sociale l’a rappelé après la représentation: les enfants ont été mis de côté dans l’Eglise comme dans les familles incestueuses.
*Le rapport définitif de la CIASE est attendu dans les semaines qui viennent.
