Hospitaliers ou libéraux, ils sont avant tout des médecins. Pourtant dans l’effroyable crise sanitaire qui s’abat sur la France, des voix s’élèvent et non des moindres* pour dénoncer le manque d’empressement de certains hôpitaux privés à s’engager dans la bataille. Le Président de la République lui même, ignore superbement la force de frappe des cliniques et des médecins libéraux dans ce qui est en effet une guerre d’un nouveau genre. A Reims, le front commun CHU-clinique vient remettre les choses en place.
“Comme nous pouvions malheureusement le prévoir la situation se détériore rapidement sur la ville de Reims”. C’est ainsi que Bruno Leray, le président du directoire du groupe privé Courlancy Santé à Reims, informait ses collaborateurs dans le courrier qu’il leur adressait il y a trois jours. Et c’est sur l’initiative de ce dirigeant fraîchement débarqué en Champagne que l’établissement privé rémois et le CHU se sont coordonnés pour faire face à la vague annoncée et confirmée de patients atteints par le COVID. Les interventions non urgentes ont été déprogrammées remplacées parfois par des urgences chirurgicales d’un CHU saturé. Deux anesthésistes de la clinique sont partis en renfort à Mulhouse du jour au lendemain, et Bezannes a pu envoyer 4 respirateurs en Alsace à la demande de l’ARS.
UN SEUL COMBAT
Deux tentes ont été rapidement montées par la Croix Rouge devant la clinique à Bezannes. Elles reçoivent, 24 heures sur 24, les patients COVID adressé par les généralistes après consultation téléphonique, soit au CHU soit à Bezannes où ils sont orientés en réanimation ou en médecine. Quinze patients COVID y sont arrivés la nuit dernière. La permanence est bénévolement assurées par “les spécialistes de la clinique qui sont redevenus des internes. Ils ne savent pas s’ils seront rémunérés, mais ce n’est pas le sujet” comme le dit en souriant Bruno Leray “et on a volontairement choisi des praticiens de moins de 60 ans pour limiter les risques face au virus”. C’est ainsi que les 10 lits du service de réanimation comme les 4 lits l’Unité de Surveillance Continue se sont remplis très vite.
Le 3ème étage des bâtiments de Reims est devenu un service de médecine COVID de 21 lits, bientôt suivi par le 2ème étage désormais complet. Entre l’hôpital (où le plan blanc est activé depuis 3 jours) la clinique et l’ARS , le dialogue est permanent.
LES LEÇONS À TIRER
La synergie public-privé qui fonctionne à Reims n’est pas la règle, mais elle n’est pas un cas isolé. Cette efficacité, quoi qu’il en soit, permettra sans doute de renforcer la complémentarité des deux secteurs plutôt que de les opposer. La défiance vis à vis du privé est tenace, jusque dans les propos du Président de la République qui n’y a fait aucune référence dans son dernier discours. Mais Bruno Leray se dit convaincu aujourd’hui qu’il y aura un avant et un après la pandémie de 2020. “En ce moment tout le monde comprend bien que nous sommes au service de chacun et de manière désintéressée. Peut être pourra-t-on enfin expliquer ce qu’on fait.?Chacun ses responsabilités : la recherche, la chirurgie de pointe, la formation des internes à l’hôpital public, alors que les cliniques, qui Sans être des entreprises rentables, assurent 60% des interventions de notre pays en diminuant les coûts de santé. Tout ça permettra peut-être de repositionner le rôle de chacun dans l’intérêt collectif”
La crise interroge par ailleurs sur la question des urgences. Elles étaient engorgées depuis des années. A partir du moment où les médecins généralistes on filtré les patients, les urgences hors COVID ont considérablement diminué. La situation sanitaire actuelle, particulièrement tendue pourrait par ailleurs contraindre les gouvernants à revoir une politique qui consistait jusqu’ici à privilégier les services de réanimation publics… alors que les cliniques font aujurd’hui leurs preuves en la matière. L’impérieuse nécessité d’une répartition pertinente des lits de réanimations, publics et (ou) privés sur le territoire pourrait ainsi s’imposer dans un avenir proche.
*Dans une interview sur France Inter Philippe Juvin, Chef du service des urgences de l’Hôpital Georges Pompidou à Paris a regretté la frilosité du privé.