27. FOURNIRET RACONTE FOURNIRET

Après plus d’un mois d’audience, au procès de Charleville, Michel Fourniret a donc fini par parler, cédant à la pression de sa fille et d’une amie de jeunesse qui ont su l’émouvoir. Il a parlé pour mentir, comme on le sait, en niant toute implication dans les affaires Domèce et Parrish dont il vient de s’accuser dix ans plus tard. Mais s’il a rompu son silence, c’est surtout pour parler de lui.

Les théories de Michel Fourniret sont en réalité un voyage au cœur du crime pervers. Il voudrait qu’on le prenne pour un honnête homme, donc il parle en livrant un code de moralité aussi personnel qu’effarant. “J’ai toujours essayé d’établir une hiérarchie, dit-il, entre une pénétration franche et une tentative.” A Daïna Guénan, victime d’une agressions sexuelle en 1982 il peut ainsi rappeler aujourd’hui devant la Cour d’Assises, qu’il l’a trouvée sereine.”Psychologiquement, dans ma tête, il est vrai que je n’ai pas l’impression d’avoir agressé quelqu’un.” D’ailleurs elle confirme : il disait qu’il allait faire semblant et elle a cru jusqu’au bout que ce serait un simulacre. Et la menace de la fiole de vitriol, rappelle un avocat ? Long silence. A l’adolescente qu’elle était, il a cru bon d’expliquer,  comme aux autres, qu’il n’avait plus confiance en l’espèce humaine , qu’il était encore et toujours à la recherche de la virginité, celle que sa première épouse n’avait pas su lui offrir. Voilà pourquoi une simple silhouette pouvait déclencher le passage à l’acte, sans préparation…mais pas sans accessoires. Car le revolver, le vitriol et la corde sont de rigueur. “On se dit où est-ce que je suis ? On voudrait se réveiller ! Il faudrait, dit-il, que je prenne du recul pour pouvoir expliquer.” La Cour, pourtant, voudrait comprendre. Pourquoi un bâillon sur la bouche d’Isabelle Laville, par exemple alors que Michel Fourniret la tue par étranglement ? “C’est une forme de respect ou de crainte, il faudrait en parler avec un psychiatre. Une façon d’empêcher la personne de vous adresser un reproche. C’est dantesque comme explication.” “Et combien de temps l’étranglement, demande un avocat ?” “Ça ne se chiffre pas.” “ C’est à ce moment là que vous vous sentez le grand Fourniret, dans le regard désespéré de la victime?” “Comment voulez vous que je vous réponde. Nous sommes dans un tribunal…Là c’était la nuit. On est déboussolé, dans la réalisation d’un projet auquel on croit à peine.” Et pour mieux se raconter encore : « J’ai cru faire l’expérience de la virginité avec Céline Saison, mais le doute est resté, alors je suis resté dangereux.” “Et vous vous considérez encore comme dangereux, demande le Président ?” “Oui”

Monique Derrien

Reporter puis grand reporter à Radio France de 1987 à 2016. Prix du Grand Reportage de Radio France. Chronique judiciaire régulière et assidue des petits et grands procés : Chanal, Heaulme, Fourniret. Attention soutenue sur les audiences et faits de société et sur la politique, un peu. Parce qu'ils disent presque tout du monde qui nous entoure. Intérêt marqué pour la culture, la gastronomie et le champagne. Celui qui se boit et celui qui a su si bien se vendre jusqu'ici.

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