FOURNIRET FAIT SON SHOW, OLIVIER SE DÉCOQUILLE

Cette première journée a sans doute été une bonne journée pour Michel Fourniret, puisqu’on lui a laissé tout le temps de parler de lui. Ses larges mains sont posées sur la rampe du box, les bras écartés dans la posture d’un patriarche qui n’aurait rien perdu de sa puissance. Cheveux gris, barbe grise, il est presque un beau vieillard.

Il a déjà été condamné à perpétuité il y a dix ans, tout comme son ex épouse Monique Olivier, pour des crimes sexuels sordides. Il comparaissent cette fois devant les Assises des Yvelines pour l’assassinat crapuleux  en  1987 de Farida Hamiche, la jeune compagne d’un des anciens codétenus du tueur en série. Fourniret attendait alors d’être jugé pour une première salve d’agressions sexuelles dans une cellule de Fleury Mérogis. Jean Pierre Hellgouarche, un braqueur professionnel, s’était alors lié d’amitié avec lui jusqu’à lui confier la mission d’aller déterrer quelques dizaines de kilos d’or enfouis dans un cimetière quand il  serait libéré. Ce qui a été fait sur les indications de Farida. Mais plutôt  que de partager le trésor comme  prévu, Fourniret a tué la jeune femme pour tout garder. L’ombre du fameux « gang des postiches » plane sur l’histoire  très romanesque du magot qui est au cœur de ce procès. Mais c’est d’abord sur l’examen de la personnalité  des accusés que l’audience  s’attarde. Et on ne sera pas déçu.

MÉMOIRE SÉLECTIVE

Avec une complaisance jubilatoire, Fourniret se raconte donc. Il a fait le choix de ne pas recevoir de visites en prison. Il  rappelle sa passion pour les échecs, afin que personne n’oublie qu’il est un homme intelligent. Et il aime écrire. « Il suffit de prendre le crayon et ça court tout seul, c’est l’évasion. » Il feint de ne pas se souvenir des circonstances de sa rencontre avec Monique Olivier. Le président lui rappelle qu’elle avait  répondu son annonce envoyée au Pèlerin depuis sa cellule. S’en est suivi d’un échange épistolaire de plusieurs centaines de pages. « Maintenant que vous me le dites !  » Quand il évoque son passé d’homme c’est pour accabler sa première épouse,  » une dame qui manquait par trop d’inexpérience ». La formule lui plait, il l’a manifestement travaillée, il aime à la répéter. Elle avait 7 ans de plus que lui et elle n’était pas vierge, alors qu’il était « pas peu fier à sa sortie de l’armée d’arriver puceau au mariage. » C’est donc bien à cause d’elle qu’il est devenu le prédateur sexuel que l’on sait. Maître Seban, dans le rang des parties civiles, veut aller un peu plus loin, alors il s’énerve . « Elle a eu DES vies avant  le mariage, vous comprenez mec ?  »  L’avocat  général rappelle qu’elle l’a quitté après son premier faux pas signalé sur un garçon de 10 ans. Ce souvenir serait-il trop gênant ? Pour ne pas répondre, Fourniret  choisit de jouer les  malentendants. Il fait répéter une fois, deux fois…mais non il n’entend  toujours pas.

JE NE SUIS PAS COURAGEUSE, VOUS SAVEZ

Manipulateur, pervers, prédateur, Fourniret est peut etre  aussi et avant tout un immense mysogine. « J’ai de la mémoire pour beaucoup de chose, dit-il, quand on l’interroge sur la personnalité de Monique Olivier, mais là… » Et si on insiste un peu : « Elle a un énorme poil dans la main, elle n’a rien entre les deux oreilles, elle est idiote. » Les expertises de Monique Olivier ont pourtant prouvé tout le contraire. Dix ans après son premier procès, elle parvient cette fois à s’exprimer presque normalement sur une enfance solitaire et sans amour, sur sa première  vie de couple qui l’a conduite à se réfugier dans un foyer de femmes battues avec ses deux enfants. Quand elle en sort, le père lui enlève ses fils au motif qu’elle ne peut pas les élever si elle reste seule. Alors elle  conclut un mariage blanc avec l’américain. Il loge chez la personne handicapée qu’elle assiste. Le mariage sera finalement consommé, mais sa vie reste fade. Et si elle répond  à ce moment là à la petite annonce de Michel Fourniret , c’est  par « besoin d’exister pour quelqu’un » qui lui disait qu’il ne sortirait jamais de prison. Le fameux pacte criminel inscrit dans leurs échange épistolaire, (il allait la venger de ce premier conjoint qui l’avait fait souffrir, elle lui fournirait des vierges en contrepartie) n’aurait été qu’un jeu de rôles. Ce qu’on commence à entrevoir dans ce qu’elle parvient à formuler  très laborieusement, c’est quelle s’est en réalité fondue dans les rôles qu’on lui assignait. Il m’a trompé sur toute la ligne, dit-elle, je demande pardon aux familles, tous ces enfants ont été perdus par ma faute.Quand je repense à tout ça, c’est incomprehensible. « Il m’a fait peur la première fois (pour Isabelle Laville) et je ne suis pas courageuse vous savez. » Voilà donc un début d’explication sur un comportement criminel que personne ne peut même imaginer de la part d’une mère. Monique Olivier en est à sa 14ème année de détention depuis ses aveux,  et elle  commence peut-être à reprendre un visage humain. «Je n’arrive pas à m’expliquer, j’ai un grand repentir ».Elle a demandé a être placée en isolement pour se protéger des violences et du harcèlement. Et son visage s’éclaire un peu pour parler de ses activités : anglais, italien, histoire de l’art, Égypte ancienne et «Handichien » avec une association qui dresse les chiens à aider les handicapés.

Monique Derrien

Reporter puis grand reporter à Radio France de 1987 à 2016. Prix du Grand Reportage de Radio France. Chronique judiciaire régulière et assidue des petits et grands procés : Chanal, Heaulme, Fourniret. Attention soutenue sur les audiences et faits de société et sur la politique, un peu. Parce qu'ils disent presque tout du monde qui nous entoure. Intérêt marqué pour la culture, la gastronomie et le champagne. Celui qui se boit et celui qui a su si bien se vendre jusqu'ici.

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