LES VIGNERONS INDÉPENDANTS DE CHAMPAGNE VEULENT LEUR PLACE AU SYNDICAT

FRAÎCHEMENT RÉÉLU À LA PRÉSIDENCE DE LA FÉDÉRATION DES VIGNERONS INDÉPENDANTS, YVES COUVREUR PROMET DE TOUT METTRE EN OEUVRE POUR POUVOIR REPRÉSENTER SES TROUPES AU SGV

Les indépendants ont été mis à la porte du Syndicat Général des Vignerons en Juin dernier parce qu’Yves Couvreur, le président de leur fédération, les appelait à geler le paiement de leurs cotisations. Il vient d’être réélu et mandaté par des adhérents  qui attendent que leur voix  puisse s’exprimer au sein du SGV. Mais Maxime Toubart,qui en est le président, ne fléchit pas.

“On reste droit dans nos bottes, commente le patron du SGV. Ils ont fait des choix ils les assument. Les administrateurs de notre syndicat ont en commun de défendre l’intérêt du vignoble et de la Champagne. Demander à ses mandants de ne plus cotiser, donc de ne plus adhérer, c’est une volonté de scission. J’en ai pris acte”. Pas question, autrement dit qu’Yves Couvreur revienne siéger dans une quelconque commission du SGV. Et le désaccord est profond.

LES RAISINS DE LA DISCORDE

Le clash est venu des revendications des indépendants, exprimées plus fortement encore à la dernière vendange, autour de rendements drastiquement réduits pour éviter une surproduction. Faut-t-ilrappeler que le Comité Champagne a évalué la baisse des ventes à 100 millions de bouteilles, soit un tiers des expéditions pour 2020.
“Les plus alarmistes avaient même envisagé un rendement à 5000 kilos à l’hectare” dit Yves Couvreur. Et il se souvient que sans la mobilisation des indépendants, les vignerons n’auraient sans doute jamais décroché la possibilité de tirer jusqu’à 8000 kilos de raisins à l’hectare cette année. Il lui a fallu alerter la Préfète de Région, Josiane Chevalier, à qui il appartient de trancher quand les partenaires champenois -vignoble et négociants- peinent à se mettre d’accord sur le niveau des rendements. “Elle m’a dit  : je présenterai votre requête”. Les arguments d’Yves Couvreur ont donc fait mouche. Notamment quand il a fait valoir que les charges d’exploitation sont beaucoup plus élevées (parfois deux fois plus) pour les vignerons qui produisent leurs bouteilles que pour ceux qui vendent leurs raisins aux grandes marques. « Tant que les rendements tournaient autour de 10 000 kilos à l’hectare on arrivait à s’organiser parce qu’on était au dessus des charges de structures, mais là, on perd entre 25 et 30% de raisin et on nous propose soit de travailler à perte, soit de perdre notre clientèle en augmentant le prix de la bouteille de 5 euros.” D’où cette revendication d’un rendement différencié, adapté aux besoins des producteurs de bouteilles d’une part, et à ceux qui vendent leurs raisins au négoce d’autre part. Maxime Toubart s’en étranglerait presque. “La Champagne ne s’est pas faite autour de deux niveaux d’appellation. Et pourquoi pas plus à ceux qui vendent plus, ou aux terroirs qui vendent plus ? La réalité c’est qu’on vend moins de Champagne depuis 10 ans. 330 millions de bouteilles en 2008, 297 millions l’an passé. A-t-on bien conscience des conséquences d’une surproduction ? Parlez en aux Bordelais. Les rendements baissent à cause de ça et l’histoire nous donnera raison.”

MAIS LES INDÉPENDANTS SONT TÊTUS

Yves couvreur vient d’être réélu à la présidence de leur fédération et il a reçu pour mission de faire valoir leurs attentes. « La brèche juridique, explique-t-il, c’est l’ODG, l’Organisme de Défense et de Gestion de l’appellation au sein du SGV. On doit y être  représenté comme toutes les Fédérations de Vignerons Indépendants dans les autres régions. Et si nous n’y sommes pas, la Fédération des Coopératives de Champagne n’a pas à y être.” Les indépendants qui élaborent leurs bouteilles de A à Z avec leurs propres raisins, ont un rôle important, c’est vrai, dans l’image de la champagne. Ils ont la cote auprès des amateurs de vins. Ils exploitent 7,5% du vignoble champenois pour une production de 15 millions de bouteilles dont près d‘un quart est exporté. “Nous sommes des piliers ajoute Yves Couvreur. La Haute Valeur Environnementale, qui est un très beau label a été portée par les indépendants du Bordelais et de la Champagne. Nous on ne veut pas tout casser tout de suite. La réserve individuelle (ou stockage de vins clairs qui permet au vigneron de réguler volume et qualité de production d’une année sur l’autre,  NDLR) quand elle a été mise en place, l’INAO a dit que ce n’était pas possible. On en est à la troisième version et toutes les régions nous l’envient. Et sur les rendements on veut dialoguer au niveau champenois. On va y aller progressivement. Le but ce sera de travailler notamment sur cette possibilité de rendements à deux vitesses en cas de crise.” La proposition fait son chemin, en tous cas dans la tête de certains vignerons. Les adhésions à la fédération des indépendant connaîtraient une progression inédite . Aux 400 inscrits de longue date se serait  ajoutée une bonne vingtaine d’adhérents cette année, selon Yves Couvreur, malgré le départ  de 9 d’entre eux.  

Monique Derrien

Reporter puis grand reporter à Radio France de 1987 à 2016. Prix du Grand Reportage de Radio France. Chronique judiciaire régulière et assidue des petits et grands procés : Chanal, Heaulme, Fourniret. Attention soutenue sur les audiences et faits de société et sur la politique, un peu. Parce qu'ils disent presque tout du monde qui nous entoure. Intérêt marqué pour la culture, la gastronomie et le champagne. Celui qui se boit et celui qui a su si bien se vendre jusqu'ici.

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