LE DRAME DE ST MARTIN D’ABLOIS AUX ASSISES

LES ACCUSÉS ONT ENFIN LA PAROLE

 

La cour a entendu les anciens amants pendant une dizaine d’heures. Une dizaine d’heures pour tenter de cerner leurs relations et leur implication dans le crime sauvage de Saint Martin d’Ablois.Murielle Bonin est jugée pour complicité. Sylvain Dromard comparaît pour l’assassinat de son épouse Laurence le 15 Juillet 2010

 

dromard seul20160629_150818-1-1

 

SEXE AMOUR ET TRAGÉDIE

Au commencement, il y a bien une histoire d’amour. Au point que Murielle Bonin divorce pour s’installer dans l’appartement que son amant lui loue à Saint Martin d’Ablois, près de son atelier. Mais les choses se gâtent très vite. Il passe la voir plusieurs fois par jour, contrôle ses faits et gestes, ses tenues.

Murielle Bonin se décrit comme une femme sous emprise,soumise, violentée. Assaillie de coups de fil inquisiteurs ou larmoyants, assortis parfois de menace de suicide. “J’étais sa chose“;
Les réconciliations succèdent aux ruptures mais rien n’est jamais définitif et la Cour a du mal à comprendre les contradictions de l’accusée.
Elle se dit harcelée mais elle espère le divorce de son amant, allant même jusqu’à lui poser un ultimatum par SMS.
“Si tu pars en vacance avec elle je ne serais plus là à ton retour.”
La partie civile choisit ce moment pour évoquer une autre histoire d’adultère. C’était il y a 30 ans.
Un certain Bernard Lorrain était alors l’amant de Murielle Bonin.
L’épouse dit avoir reçu des chrysanthèmes de sa rivale avec ce message : “si tu ne divorces pas, elles arriveront au cimetière.” Calomnie, répond Murielle Bonin, vengeance…parce que Bernard Lorrain l’a finalement épousée.
Murielle Bonin fait face sans se démonter. Serait-elle une prédatrice ?
Son avocat vient à son secours, il l’invite à revenir sur un passé douloureux qu’elle a gardé sous silence.
Elle n’a pas pu avoir d’enfant et son mari ne l’a pas vraiment soutenue dans ce parcours éprouvant de la femme stérile, pas plus que dans son combat contre un cancer du sein.
“Ça m’a blessée”.
Alors oui, Murielle Bonin avait besoin d’amour et quand Sylvain Dromard la drague avec insistance elle craque. Premiers ébats dans une voiture sur un parking .
C’est le début d’une liaison, amoureuse parfois, tourmentée souvent, et sexuelle par dessus tout. Là dessus les deux accusés sont d’accord et ils le disent avec leurs mots.
“On passait de bons moments”….et moins romantique : “c’était le meilleur trois trous que je connaissais“.

 

VOLAGE OUI, ASSASSIN NON

 

Sylvain Dromard est un homme à femme, un coureur, c’est de notoriété publique. Il l’assume à la barre. “Je m’excuse aujourd’hui auprès de mes filles et de Laurence : je n’ai pas été un personnage glorieux concernant le sexe.” Mais c’est pour mieux se disculper de l’assassinat de son épouse. “Je ne mentirais pas à mes filles. La seule chose qu’on puisse me reprocher c’est l’infidélité, pas le meurtre de leur mère. “Et d’ailleurs il était retourné vivre avec elle.
Mais tout ça s’est quand même achevé dans le sang, on l’a presque oublié tant les débats s’étirent.
Sylvain Dromard est accusé d’avoir fracassé sa femme dans leur maison de Saint Martin d’Ablois, “avec de la hargne” a dit le légiste. Il va bien falloir en parler.
Alors, il revient sur les heures qui ont précédé le crime en feignant de chercher dans sa mémoire une chronologie qu’il a manifestement beaucoup travaillée.
Il a donc retrouvé Laurence Dromard dans une mare de sang au terme d’une journée de labeur. Il a rencontré des clients, fait des devis, il est passé à l’atelier, il s’est interessé à ses vignes. Il est donc impossible qu’il ait tué sa femme avant de partir à Epernay, où il serait allé pour se fabriquer un alibi, puis revenir à Saint Martin d’Ablois et faire semblant de la découvrir agonisante comme le prétend l’accusation.
Il serait moins douloureux en effet , pour Clarisse et Chloé, que leur père ne soit pas un assassin.
Elles suivent les débats entre les larmes pour tenter de comprendre, 6 ans aprés, pourquoi on leur a pris leur mère à la veille d’un départ en vacances qui devait être joyeux.
Seulement voilà, les détails du dossier sont accablants. Et c’est Murielle Bonin qui les a donnés aux enquêteurs, parce qu’elle les a reçus de la bouche de son amant quelques jours après le drame.
Personne d’autre que l’assassin ne pouvait les connaître.
Ainsi l’épisode de la batte de base ball,cachée sous la laine de verre du plafond avant sa destruction par le feu, ce dont les enquêteurs n’avaient aucune idée.
Murielle Bonin savait beaucoup de choses au point que dans les rangs des parties civiles, les avocats s’interrogent sur son implication, peut être sous estimée dans ce crime.
Elle s’en défend, niant une complicité qu’elle a pourtant avouée dans ses dépositions.
La batte de base ball y apparaît comme l’arme possible du crime qui permettrait de se débarrasser de l’épouse gênante. Et c’est elle qui l’a achetée. Avec un chèque dit son avocat, ce qui ne colle pas avec une intention criminelle.
Aux contradictions de Murielle Bonin à l’audience s’ajoute un comportement aprés les faits qui ne sert pas sa cause. Elle continue à le voir, de très près même, après le drame. “Pour en savoir plus, dit elle, et parce que j’avais peur.”
“Vous avez peur d’être prise pour sa complice et vous ne parlez pas ? demande un assesseur.
Murielle Bonin était encore trés amoureuse,au grand étonnement de ses proches, et elle le reconnaît du bout des lèvres.
Comment le nier quand ses SMS et courriers enflammés sont lus à l’audience. “Mon trésor ma vie.Tu me manques tellement mon bébé. Tu es l’homme de ma vie Je t’aime à en crever. Mon cœur saigne
Je ne te juge, pas je t’admire, je t’aime. Je te pardonne, reprends moi mon bébé.”
Amoureuse au point de vouloir la mort de Laurence Dromard, de la provoquer, de l’organiser ?
“On avait dit avant le 17 juillet !” Le fameux ultimatum envoyé à son amant revient sur le tapis. “C’était pour que je revienne avec elle” dit Sylvain Dromard, mais pas pour me dire de tuer ma femme.
L’aimerait il encore….un tout petit peu….à sa manière ?

Monique Derrien

Reporter puis grand reporter à Radio France de 1987 à 2016. Prix du Grand Reportage de Radio France. Chronique judiciaire régulière et assidue des petits et grands procés : Chanal, Heaulme, Fourniret. Attention soutenue sur les audiences et faits de société et sur la politique, un peu. Parce qu'ils disent presque tout du monde qui nous entoure. Intérêt marqué pour la culture, la gastronomie et le champagne. Celui qui se boit et celui qui a su si bien se vendre jusqu'ici.

You May Also Like