A L’INSTITUT DE FORMATION AUX TEXTILES DU MONDE LA FIBRE TISSE LE LIEN

Couture, découpe, et bientôt tissage. Les gestes sont calmes et précis. La lumière inonde les ateliers. Le  projet audacieux d’un mannequin devenu styliste prend corps à Reims, dans une friche industrielle magnifiquement réhabilitée. Ousmane Ouedraogo est porté par la passion du tissu. Il est en passe de gagner le pari très risqué d’une production textile éco responsable, parce qu’il n’est plus seul : ses valeurs et son talent attirent les compétences. 

                                                                             

Ousmane Ouedraogo

La fascination d’Ousmane Ouedraogo pour le tissu remonte à son enfance au Burkina-Faso. Il y a grandi parmi ces femmes qui tissent dans la rue, sous le soleil, pour nourrir leurs enfants. Il se destinait à la médecine avant que sa silhouette ne soit remarquée par des stylistes africains, et bientôt par les plus grandes griffes de la haute couture. Le mannequinat lui a permis de sillonner le monde et de bien vivre. Mais le stylisme est rapidement devenu son vrai métier

OUSMANE DESIGN

Toutes ses collections portent aujourd’hui une touche de ce que les femmes burkinaises fabriquent dans les coopératives. «Je les appelle pour mes commandes particulières. Tout est fait à la main, le fil, la teinture, le tissage. Il faut 10 jours de travail pour une veste ou un pantalon. Je donne toujours plus que ce qu’elles demandent. Ça peut payer l’école de deux enfants.» La griffe «Ousmane Design» a les faveurs d’une clientèle exigeante. Et le styliste s’est rapidement confronté à la difficulté de s’entourer d’une main-d’œuvre très qualifiée. Car c’est bien l’expertise des « petites mains» qui  transforme le croquis en prototype, jusqu’à la confection de séries limitées. Depuis la délocalisation de l’industrie textile, leur savoir-faire est en voie de disparition. La création de l’institut de formation rémois vient de naître de ce manque, en dépit de deux années de mise en sommeil par la pandémie 

                                                                   

FORMATION ET PRODUCTION 

Deux modules de formation sont proposés dès à présent  dans les ateliers de l’institut. Le premier répond à un besoin précis de l’usine Chantelle. Elle sous-traite la formation des 8 personnes qu’elle  veut embaucher dans ses ateliers d’Epernay. Un second module est destiné à la formation d’une douzaine de personnes qui ont choisi de s’engager dans  les métiers du textile ( confection, stylisme, retouche…) Leur prise en charge est financée par la Région et Pôle Emploi. Ce module intègre des personnes en situation de handicap pour un quart des effectifs, et des migrants statutaires pour un autre quart. Plus encourageant encore, la marque de prêt à porter Sézane vient de confier la fabrication de ses collections capsules à l’institut rémois. Elles seront produites au premier étage du bâtiment au sein d’un site de production raisonnée baptisé «Textile d’Avenir». A quoi s’ajoutent les négociations en cours  pour la création d’une unité  de production similaire dans les Hauts de France

LE BESOIN ET L’ENVIE  

La France n’offre plus de réponse à des besoins de productions de taille petite ou moyenne. «Même si on est convaincu, c’est très réconfortant de constater qu’on est attendu, commente François de Beaulieu. Beaucoup de marques françaises avec un positionnement qualitatif, souhaitent rentrer en France sans trouver d’offre de fabrication.» L’homme d’affaires accompagne Ousmane Ouedraogo depuis la genèse de son projet. Le montage financier de l’opération a pu se construire autour d’un investissement de 750 000 euros, financés en partie par des fonds propres, majoritairement grâce à des prêts de la Caisse des Dépôts et de France Active. La Banque Populaire a pour sa part  facilité l’acquisition des équipements. Mais les 4 superbes métiers à tisser qui seront bientôt remis en route dans l’atelier de tissage de l’institut ont été tout simplement offerts par le Musée Algranate des Arts Textiles, en Bourgogne. 

                                                                           

TRANSMETTRE LES MÉTIERS DE LA MAIN

Car l’envie de sauvegarder le savoir-faire est bien là. Ousmane Ouedraogo caresse l’espoir d’une redynamisation de la filière textile du lin et du chanvre français. Marie Algranate qui  dirige le musée bourguignon y contribue par ce don. Sans doute  ses métiers à tisser seront-ils l’outil d’une transmission efficace. Eric Chatel jusqu’ici directeur de la Fondation de l’Université de Reims, vient de prendre les rênes de l’IFTM, pour s’engager dans cette cause. Les formateurs qui rejoignent l’institut rémois ont la même envie. Ils viennent de maisons de couture prestigieuses, Chanel, Dior, Jean Paul Gauthier. Leur collaboration au sein de l’Institut  de Formation aux Textiles du Monde pourrait bien initier une re-localisation de la production textile en France, en privilégiant  la qualité, en pérennisant  des savoir-faire malmenés. Chacun des apprenants de l’institut rémois reçoit une blouse à son arrivée. Il en fabriquera une pour celui qui lui succédera à son départ. Pace que la transmission est le devoir de tous  

Monique Derrien

Reporter puis grand reporter à Radio France de 1987 à 2016. Prix du Grand Reportage de Radio France. Chronique judiciaire régulière et assidue des petits et grands procés : Chanal, Heaulme, Fourniret. Attention soutenue sur les audiences et faits de société et sur la politique, un peu. Parce qu'ils disent presque tout du monde qui nous entoure. Intérêt marqué pour la culture, la gastronomie et le champagne. Celui qui se boit et celui qui a su si bien se vendre jusqu'ici.

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