LES AMANTS DE SOMME SUIPPE GARDENT CHACUN LEUR PART DU CRIME

Sept coups de pioche en plein thorax. Pour l’assassinat barbare de Julien Thevenet le 27 Janvier 2014, Sebastien Chantereau vient d’être condamné en appel à 30 ans de réclusion criminelle par la Cour d’Assises des Ardennes. Ce qui confirme le premier verdict des jurés marnais. Sa maîtresse  Sophie Richard avait alors été condamnée aussi lourdement que lui  pour sa complicité dans l’assassinat de son mari. Elle n’a pas été rejugée, puisqu’elle n’a pas fait appel. La Cour l’a pourtant très longuement entendue, cette fois comme témoin. Mais pas plus qu’en première instance les débats n’ont permis de sonder ces âmes noires. Elles garderont leur leur terrible jardin secret.

 

 

Julien Thevenet et Sophie Richard vivaient dans leur pavillon de Somme Suippe avec leur petite fille de 2 ans et un fils de 5 ans, né d’une précédente union de sa mère. Il était sergent, mécanicien Rafale sur la Base de Saint Dizier. Elle avait pris un congé parental pour élever les enfants. Le couple s’était marié quelques mois plus tôt mais il battait déjà de l’aile. Julien Thevenet  fréquentait une autre femme. Il avait annoncé son intention de divorcer, s’engageant à une séparation amiable qui ne  la priverait ni des enfants ni de leur toit. Complexée par son surpoids Sophie Richard chassait régulièrement sur les sites de rencontres. Mais avec Sebastien Chantereau la relation a pris  trés vite le tour d’un pacte criminel. On tentera, sur ces trois jours d’audience, d’en comprendre la logique…en vain. Raté, paumé, en mal d’amour,  l’accusé s’est sans doute rêvé un destin de sauveur. Le délinquant minable deviendrait un bon père, l’homme fort qui sortirait une faible femme des griffes d’un mari violent, puisqu’elle se prétendait battue, humiliée et spoliée. Chacun se fait passer pour ce qu’il n’est pas,  tout se construit sur le mensonge,  il est partout et encore là à l’audience, quatre ans plus tard. Délestée de 25 kilos, Sophie Richard se montre  détestable, maîtresse du jeu, toisant ceux qui l’interrogent d’un regard glacial. Elle refuse de répondre aux questions qui l’embarassent, plus arrogante qu’une jamais. Quand le président suggère qu’elle a voulu la mort de son mari pour l’argent, l’assurance vie, le pavillon ?  « Je vois un peu votre question mais moi je me suis toujours débrouillée toute seule et je ne voulais pas me marier. Pourquoi l’avez vous fait ? Je n’ai pas la réponse, j’y travaille avec la psychologue que je vois toutes les semaines. Est-ce que Sébastien Chantereau aurait tué sans vous, est ce qu’il l’a fait à cause de vous ? Je ne suis pas dans sa tête. » Elle regrette ce qui s’est passé, « bien sur » qu’elle regrette, mais du bout des lèvres, alors que Sébastien Chantereau fond en larmes quand il évoque le crime, le regard de sa victime qui s’est senti mourir quand le poumon a été transpercé de part en part. Il dit avoir agi sous l’emprise d’une femme dont il avait peur. Mais il faut revenir aux éléments tangibles du dossier. Les SMS, les écoutes téléphoniques révèlent qu’il ne s’est pas contenté de suivre. L’idée des somnifères c’est lui. Et c’est encore lui qui les fournit  pour qu’elle les incorpore au pastis de Julien Thevenet. « Et après, que devait-il se passer après ? » insiste l’Avocat Général. « Je ne sais pas. Mais enfin vous l’avez quand même massacré à coups de pioche ?  » C’est peut-être parce qu’il s’est réveillé qu’il a fallu en arriver à ce terrible dénouement. Il a repris conscience après avoir été transporté dans le garage, l’une aidant l’autre pendant que les enfants prenaient leur bain. Etait-il prévu de simuler un suicide par pendaison, ou d’aller  le déposer sur la voie ferrée, à  moins qu’on ait envisagé de découper le corps avant de le faire disparaître ?  La mémoire des ordinateurs a gardé des traces de ces recherches. Elles étayent les pistes  de ce qui aurait pu être un crime parfait. On  en restera là puisqu’aucun des amants  n’accepte d’en dire davantage, comme s’il était plus facile d’assumer ce fiasco terrifiant. Ce mutisme  achève les parents de la victime. La justice leur a confié l’éducation de leur petite fille, aujourd’hui âgée de six ans. Leur besoin de comprendre est une torture quotidienne. Ils voudraient qu’on leur explique cette mort gratuite, qu’on en explique les circonstances. Ils vont jusqu’à supplier par la voix de leurs avocates. Pourquoi  a-t-on retrouvé une chaise d’enfant couchée sur le corps de leur fils ? Un silence froid et sans appel leur est opposé sur ce point de détail . Il est insoutenable. Il ne fait qu’épaissir le mystère.

 

 

 

 

Monique Derrien

Reporter puis grand reporter à Radio France de 1987 à 2016. Prix du Grand Reportage de Radio France. Chronique judiciaire régulière et assidue des petits et grands procés : Chanal, Heaulme, Fourniret. Attention soutenue sur les audiences et faits de société et sur la politique, un peu. Parce qu'ils disent presque tout du monde qui nous entoure. Intérêt marqué pour la culture, la gastronomie et le champagne. Celui qui se boit et celui qui a su si bien se vendre jusqu'ici.

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