Cette “Histoire de la violence thérapeutique faite aux femmes” nous est racontée par le psychiatre et psychanalyste Thierry Delcourt. La nécessité d’en faire un livre lui vient évidemment de son expérience de praticien. Elle se double d’une exploration de la médecine archaïque et contemporaine. De cette mise en perspective on retiendra le chemin parcouru, autant que ce qui reste à parcourir.
Dans l’intimité du cabinet du psychanaliste les récits de ces femmes du vingt et unième siècle font état d’acouchements ou d’avortements maltraitants. Elles dénoncent aussi les annonces de diagnostic brutales, inhumaines, sans ménagements. Pour Thierry Delcourt il s’agit bien d’une violence thérapeutique .
LA MALTRAITANCE FACILE…
Les prises en charges sont souvent dénuées de toute humanité par leurs psychiatres. L’occasion, pour l’auteur de pointer du doigt « cette psychanalise confortablement installée dans son cabinet cocon et qui est incapable de prendre soin de la souffrance psychique et sociale.” Les hommes subissent sans doute ces manquements, autant que les femmes. S’y ajoute, quand il s’agit de patientes, une propension à les cataloguer. “Des étiquettes sont balancées comme ça, dit Thierry Delcourt , pour ne pas entendre ni écouter, sans véritable prise en compte des souffrances psychosociales.” Une femme en difficulté est vite étiquetée hystérique ou bipolaire. Ce qui permet à l’industrie pharmaceutique de s’engouffrer dans la production très lucrative d’antidépresseurs.
…ET BIEN ANCRÉE DANS L’HISTOIRE
Ces remèdes de choc s’inscrivent en réalité dans le sillage d’une maltraitance qui remonte à la nuit des temps. L’ouvrage de Thierry Delcourt décortique l’emprise de la religion, l’invention des sorcières, les théories délirantes autour de l’utérus. “Aujourd’hui encore une femme qui se manifeste est catégorisée sur un plan psychiatrique. La façon dont les hommes se sont emparés de l’hystérie est réactionnaire, elle a empêché leur libération.” Mais heureusement les temps changent. L’endométriose était jusqu’ici scandaleusement ignorée par le monde médical, parce que les règles douloureuses sont inhérentes à la condition féminine. Il fallait huit ans pour en faire le diagnostic. C’est moins vrai aujourd’hui.
BEAUCOUP DE FEMMES PUISSANTES, BIENTÔT
“Le mouvement Me too aura des effets, promet Thierry Delcourt, y compris en médecine et en psychiatrie.” Serait-on en train de gagner la cause des femmes ? Elles sont plus présentes dans la recherche et l’économie, ce qui compte énormément. “Combien de fois les femmes en face de moi interprètent leur fragilité comme une faiblesse, ajoute le thérapeute. Elles se culpabilisent d’être sensibles alors qu’il s’agit bien d’une plus value.” L’auteur va jusqu’à espérer une transformation de la fragilité supposée des femmes en une forme de puissance. Les femmes seules qui assument tout, toutes seules, de l’aube à la nuit seraient ainsi des femmes puissantes. Il ne s’agit pas d’un concept élitiste. Juste la reconnaissance, l’acceptation de ce dont les femmes sont capables. “Elles doivent en avoir une fierté. C’est la bascule que je propose.”