Dans le courant de l’été 2016 deux infirmières du Service Médical Interprofessionnel de la Région de Reims se sont suicidées à 15 jours d’intervalle. Aprés enquête, l’inspection du travail avait estimé que ces deux décès étaient bien des accidents du travail. Mais le conseil d’administration du SMIRR ne les a pas reconnus comme tels. Le dossier a été transmis au Procureur de la République de Reims et une enquête pénale est en cours pour des infractions touchant aux conditions de travail.
L’alerte avait été donné auprès de la direction dès le mois d’avril par une des infirmières. Cette femme de 46 ans, mère de 2 enfants, se disait victime de harcèlement moral et sexuel de la part d’un médecin du SMIRR qui était son supérieur. Son suicide est intervenu en plein mois d’Août, 2 semaines après celui d’une autre infirmière qui était âgée de 51 ans. Selon certaines de ses collègues elle était confrontée à des difficultés familiales s’ajoutant à une ambiance au travail très lourde qu’elle n’a pas pu supporter. Après le suicide de ces deux infirmières exemplaires, des voix se sont élevées au sein du SMIRR pour dénoncer des conditions de travail particulièrement pesantes face à une direction qui n’avait pas su tenir compte des alertes qui lui étaient adressées.
CORDONNIERS MAL CHAUSSÉS
Cette négligence peut paraître choquante dans une structure dont la principale mission est de détecter et prévenir les risques psycho-sociaux. Le médecin soupçonné de harcèlement a été licencié pour inaptitude dans des conditions financières plutôt avantageuses. Contrairement aux préconisations de l’inspection du travail, les suicides des infirmières n’ont pas été déclarées comme des accidents du travail par la direction parce qu’ils ne sont pas intervenus au sein de l’entreprise. Les familles des deux salariées n’ont pas souhaité donner de suite judiciaire à ces décès tragiques mais cela n’a pas empêché l’ouverture d’une enquête pénale par le Procureur de la République pour des infractions portant sur les conditions de travail. Elle déterminera la responsabilité de l’encadrement et du médecin incriminé dans ce dossier de harcèlement. Cet homme ne s’est pas interdit de renouer des contacts avec ses anciens collègues après son licenciement. Mais il a été fermement prié de se tenir à distance du SMIRR par le nouveau directeur.
UNE RECONSTRUCTION DIFFICILE
Le Conseil d’Administration et la direction du SMIRR annoncent qu’ils se portent partie civile afin d’avoir accès au dossier. « Tout est mis en oeuvre aujourd’hui pour favoriser le bon fonctionnement des services en toute transparence et dans la concertation », explique Christophe Dumaire. L’objectif du nouveau directeur est de préserver l’intégrité et l’avenir d’une entreprise de 75 salariés particulièrement secouée. Des écoutes psychologiques ont été mises en place aussitôt après les drames de l’été 2016 et le dialogue social serait une priorité absolue du nouveau management. Ce cheminement difficile des équipes et de leur hiérarchie se poursuit avec toutes les précautions requises selon la direction. Il est suivi de très près par l’inspection du travail. L’enquête actuellement en cours n’aboutira pas avant quelques semaines ou mois. Le médecin licencié a de son côté saisi le Conseil des Prud’hommes.
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En Septembre 2022, après une audience de plusieurs heures, le medecin a été condamné à 6 mois d’emprisonnement avec sursis. Lire le compte rendu d’audience ici : Un medecin harceleur, une direction très défaillante