L’EFFROI S’AJOUTE AU CHAGRIN IMMENSE DES PARENTS DE KEVIN CHAVATTE

L’ASSASSINAT DU LYCÉEN DE MOURMELON N’A D’AUTRE  EXPLICATION QUE LE MACHIAVÉLISME D’UNE JEUNE FILLE DE 17 ANS, AVEUGLEMENT SUIVIE PAR UN AMOUREUX TRANSI

 

Les parents de Kevin espéraient comprendre. Mais le procès à huis clos des assassins de leur fils n’a pas vraiment fourni d’explication au crime terrifiant qui l’a emporté le 2 Juin 2018. Il avait 17 ans. Trente quatre coups de couteau lui ont été sauvagement assénés par un garçon qu’il connaissait assez peu. Le piège était minutieusement préparé par la petite amie de Kevin. Malgré quatre longues journées de débat devant les Assises de la Marne, cette mise à mort glaçante est restée incompréhensible.

“A 14 Heures 32 Kevin m’a appelée : maman, est-ce que je peux venir à la maison avec Marine*?  J’ai répondu oui bien sûr. Mais elle a tout fait pour le retenir jusqu’à ce qu’Aurélien*arrive, raconte Angélique Chavatte.” Selon le plan échafaudé par  Marine, Aurélien a donc rejoint les deux lycéens qui s’étaient retrouvés au Parc du Bois des Sœurs à Mourmelon.  Sous l’apparence d’un rôdeur en tenue de combat, il devait voler le sac à main de Marine et frapper Kevin dans la bagarre qui suivrait. La jeune fille relatera l’agression avec force détail. Elle participera aussi à la réalisation du portrait robot de l’agresseur. Sa pertinence et son efficacité ont bluffé les gendarmes. Le couteau militaire d’Aurélien était bien aiguisé. Les coups ont été violents, pour ne pas dire barbares. La déposition du médecin légiste à l’audience a fait frémir la salle.

 

Angelique Chavatte
Angelique Chavatte

UN SCÉNARIO SANS FAILLE

Kevin est mort comme Marine l’avait prévu. Fanny Quentin, l’avocate des parents de la victime, est encore abasourdie par la facilité de ce passage à l’acte. “On échafaude un scénario et le jour J on le met en application sans sourciller, sans avoir peur, sans en mesurer les conséquences. Ce qui m’a marquée dans ce dossier hors norme c’est la capacité de manipulation de cette jeune fille.” L’enquête a établi qu’elle avait fait des recherches sur le net pour préparer un crime parfait. Lire par ailleurs : Piége mortel à Mourmelon Où frapper pour que le coup soit mortel ? Quel os casser pour que la thèse de la bagarre soit crédible ? Comment cacher les preuves ? “Elle est très forte, ça fait peur, commente Angélique Chavatte. Une intelligence incroyable, un cerveau hors norme. C’est un personnage d’Hitchcock puissance 10. Rien ne nous a alerté, rien ne nous a permis de voir venir” Kevin était très amoureux. Mais il avait décidé de mettre fin à une relation qui ne le rendait pas heureux. Ce que Marine ne pouvait pas accepter.

UN BESOIN D’ÊTRE IDOLATRÉE

Quand il allait voir ailleurs elle allait le rechercher.” L’expert psychologue est venu dire à la barre qu’elle avait besoin d’être idolâtrée. “On s’était rendu compte qu’elle était toxique, qu’elle le faisait souffrir, poursuit Angélique Chavatte. On le lui a dit, mais bon…Moi je dis c’est le destin.  En fait, elle avait plusieurs relations, fille et garçon confondus.” Et le sexe n’était pas un tabou, loin de là. Elle pouvait s’exhiber sur internet avec des images et des commentaires particulièrement crus. “Elle a fait plusieurs tentatives de suicide, 8 tentatives je crois et 2 en prison. Mais c’était du théâtre. Elle prenait des cachets et elle se débrouillait pour ne pas rester seule après.” Kevin, lui, était un garçon brillant, franc et droit. ”Il était populaire dit sa maman. Il faisait craquer tout le monde, les jeunes comme les adultes parce qu’il était incapable de la moindre critique.

DEUX GARÇONS QUE TOUT OPPOSE

Aurélien, qu’il connaissait assez peu, avait fait circuler les images insoutenables d’un homme décapité sur internet. Kevin l’avait alors exclu de son groupe sur Snapchat. De quoi entretenir la haine chez cet amoureux transi de Marine. Leur relation était platonique mais il lui était dévoué corps et âme. Devant les jurés il a expliqué qu’il lui arrivait de ressentir les crises d’épilepsie de la jeune fille à distance. “Plein de fois il lui avait dit, on n’est pas obligé d’en arriver là– de tuer Kevin, ndlr – et plein de fois raconte Angélique Chavatte, elle lui a répondu qu’il fallait le faire.” Elle l’a persuadé qu’il n’avait rien à craindre puisqu’il était mineur. Elle avait décidé que cette semaine serait celle de la mort de Kevin. Aurélien a tenté plusieurs fois d’exécuter le projet seul, sans y parvenir. Il fallait qu’elle soit là pour qu’il aille jusqu’au bout. Il a pleuré tout le long du procès. Elle est restée de glace jusqu’à ce qu’on lui passe les menottes. » Elle a été condamnée à 19 ans de réclusion criminelle sans avoir fait le moindre geste. Aurélien qui a tué, a écopé d’une année de moins. Les peines auraient été plus lourdes s’ils n’avaient pas été mineurs.

SÉDUCTION, MANIPULATION

”La justice prétend en faire une personne correcte, commente la mère de Kevin. Ils n’y arriveront pas. Je pense que les juges ont les mêmes convictions que moi. Elle est née pour être diabolique.” Ses parents ont compris sa culpabilité quelques jours avant le procès. Ses lettres écrites en détention on montré qu’elle jouait un rôle auprès de ses parents, de sa sœur. “Tout était dans la manipulation, le cinéma” dit encore maître Quentin. Elle a reçu plusieurs lettres d’amour passionnées d’autres détenus quand elle était en prison. Elle a reconnu ce qu’on lui reprochait à minima, mais c’était pour faire baisser sa peine.” Un des experts a évoqué une altération de son discernement liée à son épilepsie. Mais l’avocat général a rappelé que les hôpitaux psychiatriques sont pleins d’enfants malades qui ne deviennent pas des assassins.

 

   

Maître Fanny Quentin
Maître Fanny Quentin

 

UNE PERSONNALITÉ EFFRAYANTE

Fanny Quentin se dit encore traumatisée par les dernières images de ce procès particulièrement éprouvant. “Quand le verdict est tombé, les parents sont restés assis, sans aller voir leur fille. Le ciel leur est tombé sur la tête. » Sans doute ont-ils découvert sa vraie personnalité à l’audience. «On s’est rendu compte à la fin du procès qu’elle n’aimait pas notre fils ajoute Angélique Chavatte. Elle a berné Kevin, et Aurélien encore plus. Son problème c’est elle et personne d’autre. La complexité du personnage atténue presque la violence d’Aurélien. « Kevin est mort pour rien ?” lui ont demandé les avocats à deux reprises. Elle leur a répondu “oui”, droit dans les yeux. “Ce qui m’a fait le plus mal au cœur, souffle Angélique Chavatte, c’est qu’il était fou d’amour. Elle lui a fait du mal quand il était vivant, et elle l’a tué.” Les parents, le frère et la sœur de Kevin vivent désormais  dans le chagrin, mais aussi dans la peur et la méfiance.

*Les prénoms des deux accusés, mineurs au moment des faits, ont été modifiés.

Monique Derrien

Reporter puis grand reporter à Radio France de 1987 à 2016. Prix du Grand Reportage de Radio France. Chronique judiciaire régulière et assidue des petits et grands procés : Chanal, Heaulme, Fourniret. Attention soutenue sur les audiences et faits de société et sur la politique, un peu. Parce qu'ils disent presque tout du monde qui nous entoure. Intérêt marqué pour la culture, la gastronomie et le champagne. Celui qui se boit et celui qui a su si bien se vendre jusqu'ici.

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