PRISON FERME POUR L’AGRESSION D’UN ADOLESCENT, VIOLENCE ET HUMILIATION DIFFUSÉES SUR LES RÉSEAUX SOCIAUX

A l’issue de son procès devant le Tribunal Correctionnel de Reims, le lycéen  de 18 ans est retourné en prison. Le passage à tabac dans lequel il est impliqué lui vaut une peine de 3 ans dont 18 mois avec sursis. Plus encore que les scènes glaçantes diffusées sur Snapchat, ou filmées par les caméras de surveillance, c’est l’absence totale d’une remise en question de sa part qui terrifie. 

Le déchaînement de violence s’amorce dans le tram sur un garçon de 15 ans qui se rend au Lycée Roosevelt. Quand il veut descendre, Place de la République, il est encerclé par une dizaine de jeunes gens qui l’empêchent de sortir. 

COMME DANS UN ÉTAU 

Sur les vidéos de surveillance, « on voit qu’il est pris en tenaille, la terreur se lit dans ses yeux » raconte  son avocate. On lui prend son téléphone, il devra rester dans la rame jusqu’à la Place Fermat, dans le quartier Orgeval. Maintenu par le cou et par les lanières de son sac à dos, il  est conduit de force jusqu’à un garage, en sous-sol. Il doit se déshabiller, « les coups pleuvent sur la tête, parce que c’est ce qui fait le plus mal »dit encore l’avocate de la partie civile. La vidéo montre qu’une chaise a été utilisée pour plus de violence encore. « Il s’en est fallu de peu pour qu’on se retrouve devant les Assises. » L’adolescent ne pèse pas plus de 50 kilos, il ne connaît pas ses agresseurs. Mais il a le tort d’habiter le quartier Croix Rouge. Voilà ce qui motiverait la haine de ceux d’Orgeval, et rien d’autre. 

UNE RIVALITÉ DE QUARTIERS 

Avant de s’évanouir il devra répéter sous la contrainte : « je suis une salope ». « Les mecs de Croix Rouge sont quoi ?…des salopes.» Cette rivalité entre quartiers est régulièrement revendiquée pour justifier la montée de la violence à Reims,  mais elle ne sort de nulle part. Elle se voudrait chevaleresque, tout en cherchant à imiter les gangs américains, mais elle n’a aucun fondement, à part ce besoin d’une violence gratuite.  Lire plus  ICI Au-delà d’une ITT de 10 jours, celui qui a fait les frais de ce code d’honneur de pacotille souffre d’un stress post-traumatique qui pourrait ne jamais disparaître. Il devra changer d’établissement scolaire. Ses parents sont menacés de mort, leur voiture est promise à l’incendie. La famille n’ose plus sortir, elle devra déménager

ENTRE 14 ET 17 ANS 

Cette agression sauvage remonte à plus de trois semaines, le temps qu’il a fallu pour identifier les auteurs avec certitude. Cinq mineurs de 14 à 16 ans seront jugés ultérieurement  devant le Tribunal pour Enfants. Ils sont placés sous contrôle judiciaire assorti de mesures éducatives. Ils ne sont pas tous domiciliés dans le quartier Orgeval, mais ils y ont des  amis. Le fameux «mobile», dont on mesurera une fois encore la pertinence, a donc suffit à déclencher ce déferlement de haine qualifié de « traque inadmissible et lâche » par le Parquet. Béatrice Neveux, insistant sur la nécessité de mettre fin à cette escalade de la violence, a requis 3 ans d’emprisonnement dont 18 mois avec sursis et le tribunal l’a suivie.

CURIOSITÉ COUPABLE

Celui qui vient d’être condamné a assisté au lynchage de bout en bout, il a posté des vidéos sur les réseaux sociaux, mais il n’a pas porté de coup. Au point que son avocate demande la relaxe. « Je n’ai rien fait, j’ai suivi le mouvement. »« Mais vous êtes dans le mouvement s’indigne le président, vous êtes responsable…le plus grave ce n’est pas les coups, vous êtes le plus âgé, vous êtes au cœur de ce déchaînement collectif. Vous êtes le seul majeur. Est-ce qu’à un moment vous avez envisagé de dire stop? ». «Pourquoi étiez-vous là ? demande une des juges.  Par curiosité, j’ai voulu suivre le groupe, je suis trop curieux.»  Le Tribunal est abasourdi. Et le droit, dans ce qu’il qualifie de « scène unique de violence », désigne bien le lycéen, qui prépare un bac STMG,  comme un coupable pour cette adhésion tacite à l’action du groupe.

  

 

Monique Derrien

Reporter puis grand reporter à Radio France de 1987 à 2016. Prix du Grand Reportage de Radio France. Chronique judiciaire régulière et assidue des petits et grands procés : Chanal, Heaulme, Fourniret. Attention soutenue sur les audiences et faits de société et sur la politique, un peu. Parce qu'ils disent presque tout du monde qui nous entoure. Intérêt marqué pour la culture, la gastronomie et le champagne. Celui qui se boit et celui qui a su si bien se vendre jusqu'ici.

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