En Champagne, l’oenotourisme s’est longtemps limité aux visites des grandes maisons. La tradition n’était pas ancrée dans la culture des exploitations comme elle l’est en Alsace. Le classement en 2015 des Côteaux de Champagne au patrimoine mondial de l’UNESCO a fait bouger les choses…tout comme la pandémie. La menace qu’elle a fait peser sur les l’économie champenoise incite les producteurs à séduire leur clientèle autrement. Partout les propositions fleurissent, culturelles, gourmandes, ludiques…Et ce n’est qu’un début.
Une chasse au trésor pour faire connaître la Champagne, il fallait y penser. C’est l’association 286m (point culminant de la Montagne de Reims) qui en a eu l’idée. Derrière Séverine Couvreur, l’association a été créée il y a deux ans par quatre vignerons. Elle compte aujourd’hui 45 adhérents. Ces professionnels aux activités diverses sont tous engagés dans la valorisation et la promotion de la Montagne de Reims. Ils sont à l’origine de la manifestation Vignotrésor lancée ce week end du 10 et 11 Juillet*. Le grand trésor de cette première n’est autre qu’un Mathusalem, l’équivalent de huit bouteilles de Champagne Canard Duchêne. Mais des magnums seront aussi offerts par les Offices du Tourisme fortement impliqués dans la promotion de cet oenotourisme durable, décontracté et festif. L’expérience de la chasse au trésor pourra se vivre en famille ou entre amis, jusqu’à l’été prochain, au moins. Elle offre la possibilité de découvrir tous les charmes de la Champagne, ses paysages naturels, ses vignes, ses producteurs et son patrimoine.
L’IMAGINATION AU POUVOIR
La mobilisation des porteurs de Vignotrésor révèle une prise de conscience qui ne se limite pas à la Montagne de Reims. L’offre oenotouristique explose en Champagne, peut-être parce qu’elle est trop longtemps restée en sommeil. Elle prend des formes très diverses. Et le vignoble s’anime de manière visible. Les établissements hôteliers de luxe se multiplient ( à Reims, Epernay, Champillon, Sacy et bientôt à Mutigny). Mais le bar à vin, ou la simple boulangerie du village contribuent à cet éveil quand ils offrent la possibilité d’un simple casse-croûte sur le parcours du visiteur. Plus que leurs aînés, les jeunes champenois ont eu l’opportunité de faire leurs études à l’étranger. Ils en reviennent avec des idées nouvelles. Les coteaux peuvent aujourd’hui se parcourir à pied, à vélo, à cheval ou en 2 CV… Partout l’imagination est au pouvoir. La dégustation du champagne peut-être associée à des séances de yoga sur l’exploitation. Le pique-nique dans les vignes, inventé par les Vignerons Indépendants a fait beaucoup d’adeptes
DU CHAMPAGNE ET DES ARTISTES
D’autres producteurs ont choisi d’associer la découverte de leur maison à des performances artistiques. C’est le cas du Champagne Brugnon à Écueil. ”Il n’est pas nécessaire d’être un grand nom du champagne pour soutenir l’art vivant” commente la maîtresse des lieux, Valérie Charles. La coopérative Mailly Grand Cru s’est elle aussi associée de longue date aux artistes locaux. C’est ainsi que Charles Neubach a été invité à créer cette année une œuvre visuelle et sonore. Cette création se découvre une coupe à la main pour provoquer une approche sensorielle du champagne. “ C’est un oenotourisme au sens large, commente le directeur Xavier Millard. La démarche veut favoriser l’harmonie, la complicité, l’étonnement, au delà de la simple relation commerciale.” La séduction est partout, y compris dans les vignes. Mises à mal par le virus l’an passé, les créations contemporaines du festival Vign’art jalonnent à nouveau les parcours des randonneurs. À découvrir ici
LES COLLECTIVITÉS AUSSI
Nombre des idées qui ont germé dans la tête des champenois ont été figées par la crise de la Covid. Elles se libèrent avec le déconfinement, ce qui contribue à cette impression de foisonnement. C’est l’analyse qu’en fait Gauthier Neuville au Syndicat Général des Vignerons. Une boutique “19, avenue de Champagne”, c’est son nom, est ainsi inaugurée en ce début de juillet à Epernay. Elle est l’aboutissement d’une réflexion menée autour du succès du bar éphémère des vignerons créé il y a 5 ans dans la cour d’honneur du SGV. On passe de la production de quelques vignerons dans le bar éphémère, à l’offre d’une centaine de cuvées dans la nouvelle boutique. La montée en puissance est significative. L’inauguration coup sur coup du Musée d’Epernay (lire Ici) et du centre Pressoria à Aÿ, (lire Ici), la dynamique du Phare de Verzenay traduisent aussi la forte implication des collectivités dans la valorisation de leur territoire.
UNE PRISE DE CONSCIENCE FRUCTUEUSE
À la Chambre d’Agriculture de la Marne, Alexandrine Davesne est chargée de formation en oenotourisme. Les porteurs de projets sont de plus en plus nombreux à solliciter son appui. Sa dernière session de formation affichait complet deux heures après la mise en ligne des inscriptions. “Le confinement, dit-elle, a laissé du temps à la réflexion. On a compris que la démarche commerciale devait s’agrémenter d’un partage”. L’hébergement en est un des leviers. L’ouverture, en plein confinement, du superbe Château de Cormicy dirigé par deux sœurs, l’une vigneronne l’autre pharmacienne, est à ce titre emblématique. Mais ce sont les projets insolites comme les cabanes perchées, ou les pods qui font flores. Ils sont étudiés, accompagnés, soutenus financièrement par les institutions champenoises. L’implication des acteurs locaux est flagrante. Une fois encore, le dynamisme est à l’œuvre parce qu’il est inscrit dans l’histoire de la Champagne. Lire aussi aussi
*Plus d’information sur www.vignotresor.com
