LE COMBAT D’UNE FEMME LIBRE

 

 

MUSULMANE, ELLE REVENDIQUE LE DROIT D’AIMER UN CATHOLIQUE

Nawel*n’a pas vu sa famille  depuis plusieurs mois. Cette infirmière de 22 ans a porté plainte contre son père pour des menaces de mort, et contre deux de ses cousines pour des violences. Des coups de poing et de pied qui lui ont fait perdre connaissance. Nawel est musulmane. Elle aime un jeune homme de confession catholique depuis 3 ans, ce qui est inacceptable pour sa famille d’origine marocaine. Tous les moyens ont été bons pour la ramener à la raison, mais elle résiste. Son compagnon restera catholique, elle restera musulmane. Avec la peur au ventre elle se bat, jusqu’à porter l’affaire en justice, pour vivre aux côtés de celui qu’elle aime, en toute liberté.

Ils se sont connus quand ils avaient 19 ans. Pour ne pas offenser les convictions religieuses de la famille de Nawel, ils ont choisi de garder leur relation secrète. Sa mère et ses deux sœurs  lui demandent d’y mettre fin quand elles l’apprennent. Mais elle ne renonce pas. Le couple prend un appartement à Reims en Janvier 2016 et dans le courrier qu’elle adresse alors à ses parents, la jeune femme s’excuse de leur faire du mal. Elle explique qu’elle s’éloigne d’eux en attendant que les choses s’apaisent…en vain. Le couple est harcelé. La famille de la jeune femme  finit par trouver son adresse et va jusqu’à se déplacer en force devant l’immeuble où ils habitent  pour la ramener à la raison.

VIOLENCES PHYSIQUES ET MORALES

Deux de ses cousines jouent les entremetteuses quelques jours plus tard. Elles rencontrent le couple, suggèrent au compagnon de Nawel de se convertir à l’islam. Elles tentent de ramener la jeune femme à son père et finissent par en venir aux coups. Le certificat médical mentionne une  ITT supérieure à 8 jours  et un état de stress aigu qui nécessitera une prise en charge psychologique. Et pour cause : pendant l’affrontement les cousines ont appelé le père de Nawel. C’est un homme bien inséré qui tient le buffet de la gare de Laon. Elle raconte qu’il l’a plusieurs fois menacée de mort  en arabe par le haut parleur du téléphone, et ces menaces ont  été, dit-elle, plus éprouvantes encore que les  cheveux tirés, les coups de poing ou les coups de pied. Devant l’enquêteur les cousines reconnaissent une gifle, tout au plus, et se disent persuadées que Nawel a été manipulée. « Je  ne pensais pas qu’ils étaient dans l’extrême, dit Nawel. Je croyais connaître ma famille, en fait j’ai vécu 22 ans avec des gens que je ne connaissais pas. »

« AUJOURD’HUI LES VOILES ET LES BARBES ME FONT PEUR »

« Je suis née dans tout ça mais j’estime que je devrais avoir le choix ».  Nawel a porté l’affaire devant la justice parce qu’elle n’accepte pas cette interdiction d’aimer. « D’autres filles dans la famille ont fait des concessions par respect pour leurs parents. C’est pour suivre la coutume de génération en génération. Mais aujourd’hui on ne pense plus comme ça. Moi je croyais  qu’ils comprendraient. C’est insensé de priver quelqu’un d’amour. Mon père ne veut pas perdre la face devant ses parents. Et le pire c’est qu’il nie ce qui s’est passé. Ça me rend  triste ». Nawel a dû quitter Reims, elle a trés vite trouvé un poste d’infirmière ailleurs. « Je suis repartie de zéro. Je ne suis plus la même. » Elle veut pouvoir vivre avec celui qu’elle aime sans  se cacher.  Question de principe. Le jeune homme d’origine portugaise travaille à Reims pour l’instant, elle estime que sa place est prés de lui, à Reims. « Je resterai musulmane, il restera catholique. Ses parents nous soutiennent beaucoup, heureusement qu’ils sont là. Je n’ai pas vu  ma mère depuis 9 mois. Elle n’a pas pris ma défense quand ils m’ont harcelée, quand ils ont vidé mon compte en banque. Je suis tombée malade récemment, elle m’a beaucoup manqué. Si elle est à l’audience je vais m’effondrer. » Voilà pourquoi la jeune femme hésite à assister à ce procès qu’elle a voulu de toutes ses forces. L’affaire est audiencée au 20 Octobre prochain au Tribunal Correctionnel de Reims. Peut être se sentira-t-elle mieux armée  d’ici là pour supporter un face à face dont l’idée la terrorise aujourd’hui.

*Le prénom a été modifié

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Monique Derrien

Reporter puis grand reporter à Radio France de 1987 à 2016. Prix du Grand Reportage de Radio France. Chronique judiciaire régulière et assidue des petits et grands procés : Chanal, Heaulme, Fourniret. Attention soutenue sur les audiences et faits de société et sur la politique, un peu. Parce qu'ils disent presque tout du monde qui nous entoure. Intérêt marqué pour la culture, la gastronomie et le champagne. Celui qui se boit et celui qui a su si bien se vendre jusqu'ici.

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